MakerTour (5): le «faire» sans les discours!
Publié le 28 janvier 2016 par Etienne Moreau
Depuis trois mois, Mathieu Geiler et Etienne Moreau parcourent le pays de lab en lab dans le cadre de leur MakerTour chroniqué sur Makery. Nos lab-trotteurs envisagent la culture maker comme un moyen de faire société.
Il se passe des choses
« Il se passe des choses. » Toute visite de l’Atelier des beaux boulons, fablab et hackerspace à Auxerre (Yonne), débute par ces mots. Cette phrase qui n’a pas été choisie au hasard résume à elle seule l’esprit des lieux. Vous voulez comprendre ce qu’est un fablab, un hackerspace, un tiers-lieu ? Passez la porte et voyez ce qu’il s’y passe. Echangez avec les personnes présentes, partagez un moment et un café. Et pourquoi ne pas en profiter pour fabriquer/réparer quelque chose ou donner un coup de main ?
A l’image de l’impression 3D et des hackathons, les graines d’une fablabmania sont déjà plantées. Le concept des ateliers en réseau ouverts à tous, où l’on peut faire (presque) n’importe quoi, déchaîne des passions. Mais lorsque les discours sur les fablabs prennent le pas sur le « faire », les attentes, les espoirs, les fantasmes gonflent et se déconnectent peu à peu de la réalité du terrain. Alors, plutôt que de rêver ces néo-ateliers, parlons de ce qu’ils font !
Monter des machines au Labsud
Quel meilleur apprentissage pour comprendre un outil que de le monter soi-même ? Notre route a croisé celle du Labsud de Montpellier en décembre. Ici, on reprend la main sur la technologie, on monte, on démonte, on améliore, on répare. Les 4 générations d’imprimantes 3D faites maison dans l’atelier le prouvent.
Le noyau dur de hackers/makers de l’association transmet son savoir aux membres du fablab par des ateliers pour apprendre à monter sa propre machine. La communauté améliore sa culture technique, les individus gagnent en autonomie, les machines essaiment les environs, et les projets gagnent en maturité. Faire soi-même, faire ensemble, apprendre en faisant, mais faire avant tout. Plus de 80 machines ont été montées par cette communauté qui fédère aujourd’hui plus de 300 membres.
Art, pédagogie et documentation au LFO
Après Montpellier, direction Marseille et le Lieu de fabrication ouvert (LFO). Expérimenter, partager outils et ressources, donner vie à des projets, fabriquer pour soi et ensemble ne sont pas des comportements nouveaux. L’atelier n’est pas né du mouvement fablab, dont le concept fait écho à leurs pratiques et le connecte à d’autres initiatives.
Ici, l’équipe conçoit et donne forme à de nombreux projets artistiques et pédagogiques. Chimères Orchestra par exemple consiste en une tribu de robots percussionnistes qui s’accrochent sur les éléments architecturaux de la ville pour créer des rythmes.
L’équipe et les membres gardent méthodiquement trace de tout ce qui touche à l’atelier : projets, ateliers, matériel, logiciels, ressources culturelles. Comme autant de sauvegardes du fablab, que chacun peut consulter et partager. Le sujet de la documentation est sur toutes les lèvres dans les labs, mais eux le font comme personne !
Vivre, travailler et bricoler au Navlab
Le mouvement du faire ne se cantonne pas à la fabrication numérique, mais concerne aussi le faire ensemble, le faire société. A l’image des autres ateliers rencontrés, le Navlab d’Antibes modifie l’architecture sociale établie. Ici se croisent et se connectent des publics qui ne se seraient jamais rencontrés autrement.
Le lieu, convivial, occupe un ancien appartement d’une centaine de mètres carrés, où les machines côtoient des espaces de travail accessibles à tous : le particulier avec un hobby, le salarié en télétravail, le travailleur indépendant sans local, le chômeur en quête d’une dynamique.
Ici, l’accès aux membres se fait 24 heures sur 24. Des apéro-projets, des soirées jeux de société font que l’état d’esprit n’est pas le même que dans un café ou une boulangerie, ces lieux orientés services. Au Navlab, on contribue, on s’approprie, on fait communauté.
« Faire d’abord. Et faire savoir ensuite. » Ce principe nous vient du Labsud de Montpellier. Ce rappel de ce qui fait la base du mouvement sonne à nos oreilles comme une injonction. Ne l’oublions pas, la légitimité va à ceux qui font, à ceux qui fabriquent, qui conçoivent, qui créent. Ne rêvons pas les fablabs, les hackerspaces, les tiers-lieux, vivons-les et faisons-les ensemble !
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