Quand les chercheurs du Cirad rencontrent les makers de Lourmarin (Vaucluse), il en résulte l’Elephant Box, qui pourrait solutionner le conflit homme-éléphant en Afrique. En décembre au Gabon a eu lieu le premier chantier d’expérimentation.
Chaque année, le conflit homme-éléphant fait 600 morts au Zimbabwe. Las que les éléphants s’aventurent à la nuit tombée sur leurs plantations pour se remplir la panse, anéantissant au passage leurs récoltes, les villageois font de plus en plus appel au braconnage. Les parcelles ravagées constituent également un problème économique de taille, puisque c’est la sécurité alimentaire des populations qui est en jeu : les cultures constituent la réserve de nourriture des familles pour l’année entière. Les hommes et les éléphants convoitent donc les mêmes terres, mais sans trouver de terrain d’entente. Comment orienter les éléphants dans des corridors de transhumance pour qu’ils puissent se rassasier des 150 kg de végétaux journaliers dont ils ont besoin et ce, sans les blesser ?
Sébastien Le Bel, vétérinaire du Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad) et Mike La Grange, expert zimbabwéen en faune sauvage et spécialiste du comportement des éléphants, ont planché sur la question en mettant au point un propulseur d’huile de piment en tir automatique. Le principe est simple : projeter sur un éléphant une balle de ping-pong, remplie au préalable d’huile de piment injectée à la seringue. Rassurez-vous, aucun bobo pour l’éléphant, dont les muqueuses sont simplement très sensibles aux mixtures épicées. Il s’agit de tirer parti de l’intelligence de l’animal, qui gardera en mémoire cette expérience désagréable et ne s’aventurera plus dans cette direction.
Premier proto… impossible à reproduire
Le premier prototype réalisé ressemble à une sorte de fusil en plastique rotomoulé, fonctionnant à la vapeur d’essence, avec un tir tendu d’une portée de 50 à 60 mètres. Testé in situ au Zimbabwe, puis présenté au Congrès mondial de la forêt à Durban, il tape dans l’œil de la FAO (Food and Agricultural Organization) au Gabon, pays lui aussi concerné par ce conflit. Un engin efficace, certes, mais impossible à reproduire et trop cher pour être déployé localement sur le terrain.
Le Consortium de valorisation thématique (CVT) Valorisation Sud entre alors dans la boucle et prend contact en juin 2015 avec la Fruitière numérique, le fablab de Lourmarin (Vaucluse), inauguré quelques mois plus tôt.
«Le Cirad et le CVT sont venus nous voir en nous apportant le fusil pour qu’on étudie le mécanisme. On avait pour seul cahier des charges d’arriver à faire simple et pas cher. J’avais quinze jours de vacances, alors j’ai eu le temps de réfléchir!»
Georges Bonnici, fabmanager de la Fruitière numérique
Georges Bonnici, fabmanager, repense alors le système de propulsion en utilisant des matériaux accessibles financièrement : tiges filetées, rondelles, ressort de voiture, le tout protégé dans une boîte en bois.
Il s’envole en décembre 2015 pour une mission intensive sur le terrain au Gabon. Objectif : former les futurs formateurs en charge de la fabrication d’Elephant Box, les fabriquer, les installer et les tester en forêt.
«Même si trouver deux écrous sur place peut prendre une demi-journée, fabriquer une Elephant Box coûte seulement 6000 francs CFA (soit 9€) et un jour de travail homme, contre 600€ auparavant. Et finalement, ça ressemble à un bout de bois!»
Georges Bonnici, fabmanager de la Fruitière Numérique
L’éléphant va être dans un premier temps perturbé par le bruit du déclencheur (une clairette en bois avec un fil, une charge de poudre) ; puis la balle propulsée à une vitesse de 180 km/h va créer un choc sur l’éléphant ; et au moment de l’impact, la balle cassée va diffuser la fameuse mixture à base de piment broyé et d’alcool éthylique.
«C’est une belle histoire, et pour un fablab très “numérique” comme le nôtre, c’est un projet sans une once de numérique! On prend tous les projets comme ils viennent et on continue à savoir bricoler sans machine numérique.»
Georges Bonnici, la Fruitière numérique
A Lourmarin, l’équipe attend désormais les retours de terrain. Reste à savoir ce que feront le Cirad et le CVT de ce projet open source. Elephant Box est une solution au conflit homme-éléphant parmi cinquante autres, qui sont regroupées dans une boîte à outils développée par le Cirad et la FAO. Prochaine étape : Georges Bonnici devrait partir installer d’autres Elephant Box au Zimbabwe en février. Et a déjà été contacté par le Kenya…
Le site de la Fruitière numérique et les infos sur Elephant Box