Au Togo, du riz pour remplacer le charbon
Publié le 21 décembre 2015 par Caroline Grellier
L’ONG Action en faveur de l’homme et de la nature initie au Togo des projets low-tech pour répondre aux problèmes environnementaux locaux, comme la production de biocombustibles à base de déchets de riz.
Quatre Africains sur cinq dépendent du charbon de bois pour la cuisine. Une consommation qui entraîne une double conséquence : écologique d’abord, puisque le Togo est dans le top 3 des pays ouest-africains les plus menacés par la déforestation selon une étude de 2010 de l’International Tropical Timber Organization (ITTO) ; mais aussi sanitaire, puisqu’on estime à 600 000 le nombre de décès annuels sur le continent dûs à l’inhalation de ce combustible, soit presque autant que le paludisme.
Un problème auquel l’ONG Action en faveur de l’homme et de la nature (Afhon), engagée depuis 2008 dans les questions socio-environnementales au Togo, a décidé de s’attaquer. Une équipe de 7 personnes, soutenue par l’école d’agronomie ESA-Lomé et le Fonds d’appui aux sociétés civiles du Sud (FASCS) à travers le service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France au Togo, expérimente à Kovié, canton de Lomé et « capitale du riz », un projet de valorisation de balles de riz en biocombustibles, avec une démarche locale et low-tech.
«Pour se débarrasser des balles de riz qui jonchent les artères de la ville, les populations ont pris pour habitude de brûler ces déchets, rejetant alors tout au long de l’année du CO2 dans l’atmosphère… En parallèle, les forêts togolaises sont déboisées pour s’approvisionner en bois de chauffe et énergie de cuisson.»
Kwadjo Flavien Vidja, responsable de la mise en œuvre du projet
Etape 1: fabrication du biochar
Les balles de riz sont dans un premier temps réduites en un charbon d’origine végétale appelé biochar, de l’abréviation « biocharcoal » ou charbon biologique. Grâce à sa très forte teneur en carbone, il peut être doublement utilisé : comme alternative pour l’assolement en vue de booster la fertilité des sols pauvres, mais aussi comme matière première destinée à la production de briquettes combustibles (bioénergie).
Les premiers tests de carbonisation d’Afhon ont été réalisés dans un four à usage domestique à l’image du modèle de four Elsa. Cependant, compte-tenu du caractère siliteux des balles de riz, l’ingénieur Sam Akakpo et son équipe ont dû concevoir et fabriquer leur propre four spécialisé, inspiré par le projet des fours propres « Clean cookstoves ». Après plusieurs tests prenant en compte le degré d’émission de fumée et donc de gaz à effet de serre, le prototype Fab-riz a vu le jour, fabriqué avec les moyens du bord : boîtes de conserves perforées, matériaux accessibles et peu coûteux pour une conception simple, de manière à permettre une duplication et une appropriation par les populations.
«L’emploi de cet outil ne témoigne pas d’une volonté de s’opposer aux modes technologiques mais plutôt du désir d’utiliser des moyens apparemment simples, économiques et écologiquement raisonnables.»
L’équipe technique Afhon
Etape 2: préparation du liant
La production des briquettes nécessite la présence d’un liant, ici l’argile, qu’il faut tamiser pour avoir une granulométrie de 63 microns ou au mieux 80 microns.
Etape 3: passage à l’extrudeuse
La mixture biochar broyé-eau-argile peut ensuite passer à l’extrudeuse pour fabriquer des briquettes. Une fois séchées à l’air libre, elles sont opérationnelles pour servir comme combustible dans les foyers améliorés.
Pour l’instant en phase pilote, le moule artisanal a été associé à une presse industrielle pour obtenir les résultats escomptés. En janvier prochain, l’équipe démarrera la phase opérationnelle pour apporter des améliorations à son prototype mais aussi avec l’objectif de fabriquer sur un mode low-tech tous les appareils nécessaires, jusqu’à la presse. D’ici deux ans, il s’agira de fournir un modèle commercialisable et extensible auprès des organisations humanitaires.
Afhon compte aussi inciter les jeunes à la création de leurs propres unités de production de biochar ou de briquettes, en vue de mettre sur les marchés locaux des biocombustibles accessibles à la population togolaise.
«Ce qui semble le plus gratifiant et innovant dans ce projet, c’est qu’un four amélioré et fabriqué localement avec peu de moyens peut apporter une solution concrète d’énergie de cuisson à faible coût et à faible impact environnemental, mais aussi pallier la problématique d’importation d’engrais onéreux et polluants. Le tout en établissant un cadre d’innovation sociale et d’économie circulaire dans le pays. N’est-ce pas fantastique?»
L’équipe technique Afhon
D’autres initiatives mixant DiY et récupération des déchets se multiplient à travers le continent africain et même ailleurs, chacune adaptée à la biomasse locale, comme la canne à sucre en Haïti ou les déchets ménagers au Cameroun avec l’initiative de Kemit-Ecology, saluée à la COP21.