Au Japon, où l’activité agricole traditionnelle est vieillissante, la recherche lorgne du côté de solutions connectées. A partir de capteurs d’environnement, Sensprout et Techrice sont deux projets portés par des hackers, entrepreneurs, chercheurs à Tokyo.
Tokyo, de notre correspondante
Sensprout : capteurs et antenne papier
« Moins il y a d’humains, mieux c’est. » Cette déclaration osée de Tung Ta, étudiant chercheur à l’université de Tokyo qui travaille sur le projet Sensprout, fait référence à la tendance actuelle de la campagne agricole japonaise. Pour son collègue Ryo Shigeta, étudiant chercheur en doctorat, les agriculteurs de toutes générations s’intéressent de plus en plus aux capteurs d’environnement et ont envie de collaboration technologique, afin de faciliter et d’optimiser leur propre travail. Les ingénieurs, eux, sont séduits par le nouveau défi des applications pour capteurs sans fil. En même temps, les investisseurs mettent d’importantes sommes d’argent dans ce marché compétitif. Sans parler du soutien du gouvernement, qui a tout intérêt à développer l’agriculture et le contrôle des récoltes.
Présentation des kits Sensprout (en anglais):
Forte de son récent succès sur Indiegogo et au festival américain SXSW Interactive (grâce à l’initiative Todai to Texas), la start-up Sensprout vise à proposer un système compréhensif de contrôle et de visualisation de données concernant l’environnement jardinier ou agricole. Mais son point d’innovation, ce sont les capteurs et l’antenne à imprimer… en papier.
Le circuit à jet d’encre instantané est une technologie inventée par le professeur Yoshihiro Kawahara, l’initiateur et conseiller technique de Sensprout, et qui, en parallèle, a lancé la start-up dédiée AgIC. Elle permet d’imprimer (ou même de dessiner au stylo et d’effacer) des circuits à l’aide d’encre et de papier spéciaux, compatibles avec une imprimante à jet d’encre commerciale.
Appliquée au Sensprout en papier, le jardinier urbain peut imprimer chez lui un circuit argenté qui comporte un capteur d’humidité de la plante, un capteur d’humidité de la terre, et une antenne à 2.4 Ghz (pour récupérer l’énergie en radiofréquence).
Le système fonctionne avec un micro-contrôleur Texas Instruments MSP, un condensateur et un smartphone Android pour enregistrer et envoyer les données. Après avoir livré le produit à leurs 138 contributeurs de financement participatif (qui ont donné à hauteur de 169 931$), ils prévoient d’imprimer les circuits sur des tuyaux en cuivre afin de déployer les capteurs Sensprout à l’échelle des terres agricoles.
Techrice : capteurs en réseau pour rizière
« Plus nous fabriquons nous-mêmes de matériel, plus le système est souple », affirme Halfdan Rump, développeur et chef de projet de Techrice. Initié par la figure des makers japonais Akiba, à l’origine de la société Freaklabs et de la communauté Hacker Farm, Techrice est un parfait exemple de projet entièrement ouvert, conçu et développé à partir de ressources humaines, implémenté au niveau local et réalisé pour le bien commun (de l’agriculture, de l’alimentation, de l’environnement…).
Dans la région rurale de Kamogawa, une ville rurale dans la préfecture de Chiba, la plupart des agriculteurs, notamment ceux qui s’occupent de rizières, sont des personnes âgées qui n’habitent pas forcément près de leurs terres. Or, les rizières en particulier demandent une surveillance quotidienne assidue afin de maintenir un niveau d’eau constant, juste en-dessous du niveau qui empêcherait les pousses de grandir, mais juste au-dessus du niveau qui permettrait l’invasion de mauvaises herbes. Cette technique à la fois intensive, ancienne et actuelle s’intitule l’inondation continue.
Techrice est une boîte, solide et imperméable, qui renferme un circuit Arduino customisé, auquel sont connectés des capteurs de mesure de température, d’humidité et de niveau d’eau. Le système est alimenté par des panneaux solaires, enregistre les données sur une carte SD, se connecte au Cloud grâce à la 3G (disponible partout au Japon) et utilise un sonar pour mesurer au centimètre près, sans contact. Tout le code, évidemment, est disponible en ligne sur Github. La petite équipe de passionnés cherche logiquement des collaborateurs afin de développer le projet, l’optimiser et l’implémenter au-delà de son lieu-dit natal.
« Au début c’était difficile de trouver des collaborateurs, explique Halfdan, mais depuis qu’on a eu de la presse, des gens nous écrivent. Par exemple, nous sommes d’accord avec Michael Stenta de FarmOS, qui a développé un outil web de gestion agricole : il serait intéressant d’intégrer Techrice et FarmOS. Autre collaboration à venir avec Sensprout, et leurs capteurs imprimables pour mesurer l’humidité et le niveau d’eau. Ce qui les intéresse, c’est de pouvoir tester le plus possible leurs capteurs ; ce qui nous intéresse est d’explorer de nouveaux types de capteurs pas chers. J’ai aussi l’intention de présenter Techrice à Farm Hack, pour voir ce qu’ils en pensent.”
Pour aller plus loin, lire l’article (en anglais) d’Akiba sur Hackaday expliquant en détail la technologie Techrice