De Bonifacio à Pornic, la boucle du LabREV est bouclée
Publié le 16 novembre 2015 par Adrien Marchandise
Après sept mois de navigation en Atlantique d’abord, puis en Méditerranée et enfin sur le canal du Midi, l’équipage du LabREV, voilier labo d’innovation DiY écolo, est revenu à son port de départ le 8 novembre. Voici leur toute dernière chronique pour Makery.
Léo Talotte, Adrien Marchandise et Olivier Leynaud étaient à bord du Karukera depuis avril, dans le cadre de leur projet de LabREV (Laboratoire pour le Refit et l’Eco-Voile), un voilier laboratoire sans énergie fossile, et avaient choisi de faire un grand périple en mer grâce à des protos DiY et à la solidarité des fablabs rencontrés. Chaque mois, Makery, qui a suivi leurs préparatifs dès septembre 2014, a posté leur récit en images. De la Corse à Pornic, les aventuriers du LabREV ont bouclé leur périple.
Texte et photos Léo Talotte, Adrien Marchandise, Olivier Leynaud
Cap au Nord et face au vent, direction le Fablab d’Ajaccio
Une fois de retour en France, notre quotidien change : certes les difficultés linguistiques ont disparu, mais la météo ne nous brosse pas dans le bon sens. En même temps, revenir de Sardaigne avec des vents dominants de nord-ouest, il fallait s’y attendre. On est donc soulagés d’arriver au jeune fablab d’Ajaccio où nous rencontrons la très dynamique fabmanageuse Marylin Richard. C’est le premier fablab corse, et nous sommes impressionnés par le travail effectué en seulement trois mois ! Abrité dans les locaux du Crédit agricole corse, il bénéficie d’une grande superficie et son avenir semble prometteur.
Makers, souquez vos artimuses au Navlab!
Cap sur Antibes, à 200 km des côtes corses, où nous attend notre partenaire de longue date, le Navlab. C’est la dernière traversée du voyage, et la visibilité est tellement bonne qu’on parviendra à voir la Corse et le continent simultanément ! Un moment magique amplifié par la baleine qu’on réveille de sa sieste une quinzaine de miles plus loin.
De beaux souvenirs du large avant de rencontrer l’équipe du Navlab, le tout premier fablab nautique au monde. C’est un pari osé qu’a fait Bruno Messin en implantant son lab à Antibes, lieu de prédilection pour yachts de luxe. Et si ces grands navires embarquaient des minilabs pour réparer en mer plutôt que d’attendre des pièces détachées d’un peu partout dans le monde ?
A la Charbonnerie, tiers-lieu marseillais en devenir
On expédie ensuite la côte française méditerranéenne : les vents sont d’est et on file bon train d’Antibes à Marseille. Nous partons visiter La Charbonnerie, un espace en construction dont le concept nous parle beaucoup ! David Ben Haim, un de ses cofondateurs, s’est associé avec des amis qui avaient besoin d’un bureau. Espace de coworking déjà opérationnel, la Charbonnerie se prépare maintenant à ouvrir un atelier. Avant d’être un lab, c’est d’abord un lieu collaboratif où sont mises à disposition des machines-outils traditionnelles, complétées par des machines à commande numérique, mais aussi de grandes traceuses, utiles pour les architectes et dessinateurs projeteurs. L’esprit du lieu est simple, ses fondateurs clairs : quels sont les besoins dans le quartier et la ville où ils s’installent ? Après ces rencontres passionnantes, on se met en route pour Palavas-les-Flots, notre dernière escale avant le canal du Midi : la Méditerranée touche à sa fin.
Canal du Midi: touchera, touchera pas?
On pensait cette phase du voyage sans danger, tranquille, voire un peu ennuyeuse. Que nenni ! Les manœuvres d’écluses rythment notre vie à raison d’une ou deux par heure. On rencontre des navigateurs qui font un bout de chemin avec nous… Mais le canal, c’est avant tout le challenge permanent de faire passer un bateau d’1,55 mètre de tirant d’eau dans un canal d’1,40 mètre de profondeur.
Entre Sète et Toulouse, nous avons touché, tapé, raclé le fond environ 250 fois ! Nous nous sommes aussi carrément échoués, arrêtés, scotchés à la vase. Pour nous en tirer, il nous a fallu demander l’aide d’autres bateaux, ou bien, dans un cas particulièrement désespéré, tirer le bateau à la main pour aider le moteur à nous décoller.
A Toulouse, on peut y haler!
Notre moteur, à la fiabilité aléatoire, n’a pas aimé être beaucoup sollicité. A quelques kilomètres de Toulouse, il refuse de démarrer, nous obligeant à haler le bateau pour aller chercher de l’aide. Six kilomètres avant le prochain garage ? Allons-y à pieds ! Un garage associatif nous prête des outils, et nous distille quelques conseils : vu l’âge et le modèle de notre moteur, c’est pas terrible de tourner à l’huile de friture.
Arrivés à Toulouse, on démonte tout, et on change quelques pièces. On perd une semaine à les attendre, et pendant ce temps, entre deux aligot-saucisse, on va voir Artilect, le plus ancien des fablabs de France. Locaux immenses et adhérents nombreux, super ambiance là-bas ! Ils nous aident à avancer dans le développement de notre dernier proto, l’apéro-winch, un porte-gobelet adaptable sur tous les voiliers.
Les feuilles mortes du canal latéral à la Garonne
Une fois le moteur re-segmenté, il fonctionne nettement mieux, mais l’odeur de gasoil qui nous poursuit est bien moins agréable que la frite. La portion de canal qui relie Toulouse à Bordeaux est trop facile : Brutus (notre moteur) ronronne tranquillement, on ne touche plus le fond. On s’ennuierait presque dans ce cadre bucolique et parfois champêtre, au demeurant magnifique sous les couleurs de l’automne. Karukera, nos visages, et parfois même nos lits sont en contact directs avec les feuilles des platanes qui nous tombent inévitablement dessus. Parfois, on se demande s’il reste de l’eau liquide sous le tapis de feuilles qui recouvre la surface du canal !
Back in Black
La Garonne nous emmène à Pauillac, où nous pouvons remettre les mâts. Le moral est bon à bord. On a envie d’en découdre avec l’océan Atlantique qui nous a bien manqué. Une bonne grisaille accompagnée d’un crachin sympathique nous attendent : il n’y a pas un plaisancier sur l’eau, on se demande pourquoi… Seulement trois heures de route nous séparent de la maison, les quatre derniers jours de mer sont étranges. Le périple se finit par ce qu’on connaît le mieux : on navigue sur les plans d’eau où nous avons fait nos classes de mer, où ont grandi nos rêves de partir plus loin, un jour.
Home sweet home
Après sept mois de mer et 10 000 km à la voile, nous revenons au port de Pornic. Sur le quai, nos familles nous attendent. On retrouve le confort d’un lit sec, d’une douche chaude, d’assiettes en céramiques et de couverts non rouillés ! Il est encore trop tôt pour tirer un vrai bilan de notre aventure, même si nous pouvons affirmer avoir relevé beaucoup des défis que nous nous étions fixés.
L’éolienne et l’hydrogénérateur se sont avérés plus qu’efficaces pour produire l’électricité dont nous avions besoin à bord. Nos prototypes ont résisté à sept mois de conditions extrêmes. Et nous savons maintenant qu’une imprimante 3D peut fonctionner avec 4 mètres de houle et 60 nœuds de vent !
Finalement, vivre en autonomie énergétique n’est pas si difficile, et pas si cher : on espère pouvoir diffuser un maximum nos idées « low-cost-écolos » au retour. Et si voile et écologie nous rassemblaient ?
La carte du périple du LabREV:
Retrouvez par ici l’aventure du LabREV sur leur blog et leur page Facebook, et par là les précédentes chroniques du LabREV pour Makery