Du 6 au 15 novembre, le lab Gamerz d’Aix-en-Provence organise la 11ème édition de son festival défricheur de bidouilles artistiques autour du jeu vidéo. L’occasion d’une visite à ce gamelab brouillant les codes de l’art et du détournement ludique.
Aix-en-Provence, envoyée spéciale
Le lab Gamerz cultive avec amour l’art du jeu et de la bidouille. Créé à Aix-en-Provence en 2003 par les artistes du collectif Dardex, ce labo d’expérimentations artistiques à l’allure de gamelab triture la thématique du jeu dans tous les sens. « Ce qui nous intéresse, c’est l’idée de jeu comme porte d’entrée vers la culture », explique Quentin Destieu, artiste et cofondateur de M2F Créations, l’association derrière le lab.
Accueil d’artistes en résidence, production d’œuvres multimédias, ateliers pédagogiques… la petite équipe des 5 salariés du lab Gamerz ne chôme pas, surtout lorsqu’il s’agit d’organiser le festival du même nom, « vitrine » des activités portées par le lab qui célèbre du 6 au 15 novembre sa 11ème édition.
L’idéal aussi pour montrer en avant-première les productions artistiques concoctées par les prototypeurs gamers du lab, accessoirement fief des alumni de l’école d’art d’Aix. « Ces derniers temps, on oriente plutôt nos projets vers la 3D vidéo et la 3D générative en stéréoscopie, un peu dans la continuité de Parallax, un projet européen qu’on avait développé il y a quelques années avec le ZKM (le Zentrum für Kunst und Medientechnologie de Karlsruhe, ndlr) », dit Quentin Destieu.
Encore modeste (« mais il y a du progrès, au départ on était dans un appart’ »), le lab de 100 m2 s’équipe de nouvelles machines, au fur et à mesure des acquisitions du festival. « On aimerait bien acheter une CNC laser, mais c’est encore cher », explique Bastien Vacherand, artiste et coordinateur technique du lab où se côtoient imprimantes 3D, studio 3D holographique et stock d’Oculus.
« On a même une sorte de fonderie pour travailler l’aluminium ! Quentin a eu en tête de l’utiliser pour récupérer l’or des processeurs… » Désormais, le lab Gamerz accueille chaque année quatre ou cinq artistes-chercheurs en résidence venus détourner du jeu dans la bonne humeur aux côtés d’électroniciens et de programmeurs.
«Dans mes installations de jeux vidéo, je suis davantage dans la bidouille et dans la culture du détournement que dans un pur geste de création plastique. D’ailleurs, je détourne aussi les outils de l’impression 3D, ce n’est pas du tout la même démarche que dans un fablab.»
Bastien Vacherand, artiste et coordinateur technique du lab Gamerz
« Pour les appels à projet de résidence comme pour les appels à candidatures du festival, ce qui nous importe c’est de pouvoir contribuer à la création de l’œuvre grâce notre apport technique », dit Quentin Destieu. Archive d’une frappe, une sculpture matérialisant un mouvement de batterie créée par Paul Destieu (son frère), a nécessité un an et demi de travail au lab, du développement de l’outil jusqu’à la captation du batteur en temps réel, en passant par l’impression 3D.
Quelques images de la résidence de Paul Destieu au lab Gamerz :
Quand même un peu à l’étroit dans leurs locaux du Patio du Bois de l’Aune, l’équipe du lab Gamerz se verrait bien déménager dans un espace qui pourrait servir tout à la fois de labo, de résidence, d’atelier pédagogique et de lieu d’exposition, histoire aussi de prolonger les ambitions du festival à l’année. L’idée de s’installer chez Seconde Nature est tombée à l’eau, cet autre acteur historique de l’art numérique aixois devant engager des travaux de réhabilitation considérables.
Il faut dire que le territoire n’est pas simple à occuper, artistiquement parlant. Entre mille-feuilles institutionnel et crêpages de chignons politiques, les soutiens sont à géométrie variable et les subventions aléatoires. Après la cacophonie post Marseille Provence 2013, les régionales en ligne de mire gèlent les crédits.
Quentin Destieu le constate : « Les changements politiques liés aux élections remettent en question le développement des projets. On est toujours dans un équilibre précaire qui se réajuste d’année en année. L’idée est d’arriver à tenir notre autofinancement grâce à la vente d’œuvres d’art et à nos ateliers pédagogiques, mais au niveau de la culture, on a clairement besoin d’être dans des sphères subventionnées, avec l’engagement de l’Etat et des collectivités. » Le cofondateur du lab reste cependant confiant. Même s’ils naviguent à vue, les artistes gamers poursuivent la résistance.
Le festival Gamerz continue ! Mardi 10 novembre, à partir de 19h, soirée vidéos, rencontres et performances avec The Wa et Lucien Gaudion à l’école supérieure d’art d’Aix, mercredi 11 novembre, à partir de 14h, ateliers d’impression et de scan 3D à la Fondation Vasarely.
Le site du lab Gamerz
Le site du festival Gamerz