La future loi numérique s’écrira au mode participatif et citoyen. La plateforme République numérique, lancée le 26 septembre à Matignon, reçoit les premiers amendements des internautes. Makery est parti en quête des premières réactions.
Une grande première non seulement française, mais aussi européenne. C’est sur cette affirmation que la consultation publique du projet de loi pour une République numérique a été lancée samedi 26 septembre à Matignon par Manuel Valls et Axelle Lemaire, « la meilleure réponse au lobby de l’impuissance publique », selon la secrétaire d’Etat au Numérique.
Son principe ? Faire appel aux internautes pendant trois semaines pour commenter et enrichir le texte législatif avant son adoption en conseil des ministres, via une plateforme contributive. Trois jours après son lancement, Axelle Lemaire se félicite déjà de l’audience enregistrée par la consultation publique. Et ne lésine pas sur les encouragements.
« Il y aura des propositions irrecevables, il y aura des trolls, j’en connais beaucoup, d’ailleurs. »
Manuel Valls
Chez Makery, ce processus direct d’open democracy est une première, nous avons voulu savoir comment réagissaient les partisans de la démocratie participative et des libertés publiques, toujours prompts à se mobiliser.
Daniel Kaplan, délégué général de la Fondation pour l’Internet Nouvelle Génération (FING) :
« La co-construction de cette loi n’a pas commencé avec sa publication le 26 septembre, mais avec les 6 mois de la concertation « Ambition numérique ». Il faudra voir le processus à l’œuvre, mais je trouve intéressant le principe selon lequel, après la consultation, le gouvernement s’astreigne à répondre avant de finaliser son texte. De telles discussions ont toujours existé sur des versions provisoires des projets de lois, mais elles n’étaient pas publiques, seuls les lobbies (au sens large, et pas nécessairement péjoratif) y prenaient part. »
Si le principe de co-création d’une loi apparaît novateur, les plateformes citoyennes en mode démocratie participative ne manquent pas, nous explique Cyril Lage, co-fondateur de Cap Collectif, la start-up missionnée pour gérer le site République numérique. Et déjà opératrice de la plateforme parlement-et-citoyens.fr à la baseline éloquente : « Ensemble faisons la loi ».
Sophie Pène, universitaire, membre du CNNum :
« Les commentaires des citoyens deviennent, deviendront, des archives d’Etat, la plateforme n’est pas hyper ergonomique, mais bien supérieure aux présentations habituelles des lois. J’ai l’impression qu’on voit très bien à l’œuvre l’inévitable trollisme d’un côté, et aussi plein de contributions, qui, qu’elles prennent ou non place dans la loi, sont d’une qualité et d’une sincérité bien supérieures aux amendements venus des députés. En somme, c’est un témoignage de démocratie technique. »
Critiques de geek
Cette consultation citoyenne de bonne volonté intervient a posteriori du vote de textes majeurs pour l’Internet, telles la loi HADOPI ou la loi renseignement, ont beau jeu de rappeler certains. Le fonctionnement de République numérique déclenche ainsi quelques réactions épidermiques : choix de l’hébergeur (au Costa-Rica…), solutions non open source, recours aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) pour les inscriptions et les données statistiques, y compris le nom de domaine officiel (republique-numerique. Sans accent).
DemocracyOS France, association de promotion de la démocratie ouverte :
« En tant que promoteurs d’une plateforme open source, l’équipe de DemocracyOS est également très attachée à la transparence sur les outils et, en matière d’open government, nous espérons donc que les prochaines consultations publiques se feront sur des plateformes libres. Nous saluons clairement cette initiative qui marque un premier pas vers la co-construction de la Loi avec les citoyens. Nous attendons maintenant d’observer ce qu’il restera des contributions citoyennes après les arbitrages du gouvernement et les amendements parlementaires. »
Olivier Laurelli, cofondateur du site Reflets.info, opte pour une approche plus radicale.
Toujours sur Twitter, Alexis Kauffmann, fondateur de Framasoft, confie sa baisse d’enthousiasme suite à la lecture d’un post de blog repris sur Rue 89 et largement relayé depuis sur les réseaux sociaux.
L’auteur de l’article, Stéphane Bortzmeyer, « un des observateurs français d’Internet les plus actifs » selon nos confrères, y passe au crible la « Loi Miettes » tout en relevant non sans ironie les paradoxes apparents de la consultation. A moins de demander une consultation sur la consultation, à l’instar de Force Ouvrière…