Little Devices, le lab missionnaire du DiY médical
Publié le 28 juillet 2015 par Nicolas Barrial
De l’hôpital de brousse à l’infirmerie américaine, Anna Young, designer chez Little Devices, un lab du MIT dédié au DiY médical, imagine des solutions maker-compatibles pour redonner le pouvoir aux soignants.
L’objet stérile sorti d’un emballage et la machine dernier cri qui agite les fluides en ronronnant ne sont pas la réalité des hôpitaux que la designeuse Anna Young visite à travers le monde. Ils sont plutôt dédiés à des établissements coupés des lignes d’approvisionnement ou simplement privés d’électricité. Chargée du design médical et cofondatrice de Little Devices, un laboratoire du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) « qui explore le design, l’invention, et les espaces législatifs pour des technologies de la santé DiY », Anna Young y conçoit des solutions durables pour « une médecine inventive du dernier kilomètre ». Elle était en juin à Paris pour présenter ses solutions dans le cadre de la conférence Hello Tomorrow.
Des solutions simples pour une réalité complexe
Ce dernier kilomètre, la designeuse médicale a coutume de l’illustrer en évoquant un véhicule embourbé dans la savane : « Comment créer le Land Rover du matériel médical ? » Et de présenter un nébuliseur. Cet appareil médical assez commun transforme des liquides en particules fines pour traiter l’asthme, une pathologie qui tue une personne sur 250 dans le monde. Sauf que son modèle fonctionne à partir d’une simple pompe à vélo.
« Les hôpitaux de l’extrême reçoivent de la technologie médicale, sauf que six mois après, 90% de ce matériel est en panne. »
Anna Young, Little Devices
Anna Young égrène les constats : au-delà même d’une technologie médicale qui ne se prête pas aux conditions extrêmes, « 50% des cliniques rurales, qui servent trois milliards de personnes, fonctionnent sans électricité. » En 2011, Little Devices a mis au point SolarClave, une chambre de pression solaire qui permet de stériliser des instruments chirurgicaux sans être raccordée à l’électricité. Un autoclave qu’on peut fabriquer localement avec une cocotte minute, un seau et 250 miroirs de poche.
Classée par l’OMS parmi « les technologies les plus innovantes pour la santé mondiale», SolarClave a trouvé sa place dans des hôpitaux qui pratiquent une « chirurgie rurale » au Nicaragua, en Equateur, au Niger et en Ethiopie. Anna Young dit s’inspirer du DiY de pays en voie de développement, à l’image de Yombo Awojobi, chirurgien rural et « inventeur prolifique » au Niger.
Stimuler le « faire médical »
En 2012, Jose Gomez-Marquez, fondateur de Little Devices, a imaginé MEDIKit, une valisette de diagnostic et de soins dont les outils sont en partie composés de Legos. « Quand vous utilisez des jouets, cela démystifie la technologie médicale » dit-il, ajoutant que le jouet constitue « une ligne d’approvisionnement plus fluide, mieux distribuée et moins coûteuse que celle du matériel médical ».
Pour Jose Gomez-Marquez comme pour Anna Young, ce glissement de l’expert et du régulateur vers le personnel médical ne concerne pas seulement les hôpitaux du bout du monde. Le projet MakerNURSE, littéralement « infirmière maker », soutenu par Little Devices, offre à la communauté des professionnels de santé américains de partager leur savoir-faire sur une plateforme web.
Selon Mary Beth Dwyer, une infirmière associée au projet, « un grand nombre de solutions dans le domaine de l’infirmerie se transmettent au fil des générations ». Autrement dit, le personnel soignant, qu’il colore les médicaments ou répare un stéthoscope, a toujours été un peu maker. C’est finalement le mode de diffusion de ce savoir que Little Devices cherche à changer.
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