Minodoo, la communauté de makers nomades du Togo
Publié le 19 mai 2015 par Caroline Grellier
Au Togo, la communauté Minodoo, un tiers-lieu singulier qui fête ce mois-ci son 1er anniversaire, organise les OpenSourceTour. Une dizaine de jeunes makers portent ces événements itinérants d’initiation à l’esprit du libre.
Lomé (Togo), envoyée spéciale
Rendez-vous pris avec Elolo Kokou Amegayibo, Nukunu Amegayibo et Franco Kossi Dolagbenou, trois makers parmi la dizaine que compte la communauté Minodoo, sur la Dalle, surnom donné à un maquis cybercafé de Djidjolé, quartier périphérique au centre-ville de Lomé. C’est ici qu’est née il y a un an l’initiative de jeunes makers passionnés.
« Restons ensemble »
Au cours de plusieurs expériences dans des communautés tech, ces jeunes étudiants à la fibre d’entrepreneurs se sont rencontrés, trouvés et ne se quittent plus. Partageant la même philosophie imprégnée de la culture du libre, animés par la même préoccupation de diffusion de la technologie et portant la même conviction que la jeunesse togolaise doit être impliquée dans la construction du pays, ils ont créé un tiers-lieu nomade : Minodoo, « restons ensemble » en langue vernaculaire éwé. Un nom qui n’est pas sans rappeler la fameuse maxime amicale africaine « on est ensemble » entendue à longueur de journée ici ; un nom qui témoigne aussi des valeurs de solidarité, de débrouillardise et de volontarisme qui forgent le noyau dur de la joyeuse bande.
«A Minodoo, on fait les choses nous-mêmes, avec les moyens du bord, sans attendre personne.»
Elolo Kokou Amegayibo
La richesse de Minodoo repose sur la pluridisciplinarité de l’équipe. Issus de formations éloignées de la technologie, ces geeks sont tous autodidactes et surtout passionnés. Biologiste, géographe, cartographe, économiste, environnementaliste, marketeur sont devenus au fil du temps codeurs confirmés, experts OSM (Open Street Map, l’équivalent libre de Google Street Map), tontons Jerry, spécialistes en énergies renouvelables, webdesigner, pro en sécurité informatique, via le partage de tutoriels, vidéos, livres et MOOC. Ils travaillent le plus souvent avec des outils collaboratifs en ligne, en composant avec un handicap majeur : la connexion internet. Pour s’en faire une idée, l’opérateur Togocel propose 1 Go pour 5000 F CFA, soit 7,60 €, une somme considérable sur le continent.
Un OpenSourceTour pour «évangéliser» le mouvement maker
Le mode nomade de la communauté est d’abord issu de la contrainte de ne pas avoir de local pour se réunir, mais a surtout coïncidé avec l’ambition de Minodoo : faire de la technologie porte-à-porte et affirmer ainsi un véritable engagement citoyen à travers les TICs, en permettant l’appropriation de l’outil numérique par les populations. Ces makers sont avant tout des citoyens, qui mesurent chaque jour l’impact social de la fracture numérique.
«Puisque nos jeunes frères n’ont pas facilement accès à la technologie, c’est Minodoo qui vient à eux pour leur faire découvrir Arduino, Jerry, la culture du libre et susciter des vocations en défendant les intérêts du travail collaboratif.»
Franco Kossi Dolagbenou
Pour ce faire, Minodoo a lancé les OpenSourceTour (OST), un concept de bootcamp thématique itinérant. Pour la première édition à Kara, au nord du pays, en décembre 2014, plus de 75 jeunes, enseignants, commerçants ou encore fonctionnaires déjà familiers avec l’ordinateur se sont initiés à Linux, avec le soutien de l’Association pour les logiciels libres (APLL), porteuse du projet de fablab Labu-Lab à Kara.
Deux mois plus tard à Tsévié, dans un autre contexte, l’OST a permis de sensibiliser en trois jours une cinquantaine de lycéens au rôle du numérique dans l’éducation à l’aide d’ateliers Jerry, Wikimédia, de débats sur les MOOC en contexte togolais. Minodoo planche actuellement sur la préparation d’une troisième édition.
«L’ambition est de créer un réseau national et de déceler dans chaque ville des ambassadeurs de la philosophie Minodoo, qui pourront continuer à transmettre et à partager le savoir. C’est pourquoi nous coorganisons systématiquement l’OST avec des partenaires locaux, pour avoir un impact sur le long terme.»
Elolo Kokou Amegayibo
Minodoo : la fibre entrepreneuriale
Au Togo, les entreprises ne sponsorisent pas les évènements. Les ateliers initiés par Minodoo sont donc auto-financés, par des participations individuelles mutualisées et les moyens du bord. Si la communauté existe, c’est aussi grâce à sa dynamique entrepreneuriale, basée sur l’open source évidemment. Chacun contribue au projet de l’autre de façon horizontale. Ainsi, Franco Kossi Dolagbenou travaille sur des solutions vertes d’apport en énergie en milieu rural, Richard Komlan Folly, passionné d’OpenStreetMap, crée sa start-up SocialGIS, une agence de cartographie innovante et de géomatique utilisant les données libres.
«On y croit. On fait des investissements aujourd’hui car on est fiers d’apporter notre pierre à la construction technologique du Togo. Dans 5 ans, on est sûr que le Togo sera à la pointe dans la sous-région…»
Elolo Kokou Amegayibo