Makery

Saint-Étienne : l’activation urbaine du B.E.A.U.

L'agence de voyage O.V.N.I du B.E.A.U. propose des balades urbaines singulières, un « duty free » et un « espace privilège ». © B.E.A.U.

Le design a-t-il pris en compte la donne «maker» ? La réponse n’est pas tranchée par la biennale du design de Saint-Etienne 2015, ouverte le 12 mars. Derrière l’ode au designer tout-puissant, Makery a quand même trouvé des graines de faire-ensemble. Comme un Bureau Éphémère d’Activation Urbaine, qui investit les délaissés urbains du quartier Jacquard.

Saint-Etienne, envoyé spécial

Saint-Étienne est une ville étonnante, avec son prix au mètre carré le plus bas de France, ses vitrines de commerces dont la moitié sont fermés, ses immeubles aux ouvertures murées et les inévitables pancartes « fermé », « à louer », « à vendre » à tous les coins de rue. Dans pareil décor, comment s’inscrit cette année la biennale du design ? Makery a choisi les chemins de traverse avec l’ouverture, samedi 14 mars, du B.E.A.U. (Bureau Ephémère d’Activation Urbaine).

On regrette le City Eco Lab proposé par John Thackara en 2008, particulièrement en cette année placée sous le signe des négociations sur le climat de la COP21. Au lieu de quoi, la biennale a pris pour thème un sujet terriblement d’actualité, « les sens du beau », avec un jeu de mot hautement philosophique et des définitions dignes des perles du baccalauréat.

Une carte subjective place la Cité du design en périphérie du B.E.A.U. © B.E.A.U.

Une visite en mode DiY du IN de la biennale stéphanoise fait instantanément s’effondrer tout discours qui voudrait faire du design un processus par lequel s’établirait un pont entre industrie et usage. Disons qu’il n’est pas question de faire participer l’usager à l’univers de formes qui lui sera imposé lors de la marchandisation des objets. Le design proposé ici n’est pas collaboratif. Le designer s’arroge le droit exclusif de définir le « beau ».

Une expo « Labos » sans l’esprit lab

Sous le vocabulaire « lab » à la mode, l’esprit maker n’est pas vraiment convoqué. Ainsi, l’expo « Labos » à la Cité du design est dédiée aux « Living Labs », soit l’anti-fablab par excellence. Des entreprises y exposent sur leurs stands quelques-uns de leurs produits, parfois sous forme de simples prototypes. Des hôtesses aux couleurs des boîtes présentes sont là pour recueillir les avis et commentaires des passants, consommateurs potentiels supposés.

Un jeune homme sympathique essaie de vendre le concept de l’expo en l’emballant de slogans sur l’économie numérique et le collaboratif. On demande poliment s’il n’y a pas d’initiatives plus orientées makers (oui, osons lancer le mot…). Le FabCafé est très bien, explique-t-il, mais il n’ouvre pas avant 18h, faute de volontaires (sur le programme c’est marqué 14h-18h), et ne le sera (ouvert), que trois jours par semaine, et d’ailleurs il ne sait pas trop quand.

Vue de l’exposition « Labos » à la biennale de Saint-Etienne, où « le passant devient acteur, l’usager devient créateur, le visiteur expert de son usage ». © James Becht

Le toboggan de Captain Ludd

Direction l’espace portant le doux nom de Captain Ludd. On vous épargne le laïus revendiquant les révoltes luddites… Ici, quatre designers ont ouvert un atelier collaboratif où sont accueillis des habitants du quartier pour partager compétences et outillage sur de la sérigraphie et de la menuiserie. En projet : installer un toboggan éphémère sur le grand escalier qui grimpe la colline à laquelle est adossé leur atelier.

Captain Ludd accueille une « fabrique de formes » pour les scolaires. © James Becht

Dans le cadre du IN de la biennale, l’équipe de l’association Carton Plein et la Cartonnerie ont ouvert le B.E.A.U. (Bureau Ephémère d’Activation Urbaine) dans une boutique vacante au croisement des rues J.Ledin, Grand Gonnet, Paul Bert et Honoré de Balzac. La Cartonnerie mène sur la durée des initiatives collaboratives d’aménagement et de (ré)animation urbaine, avec les habitants du quartier. Le B.E.A.U. est « une activation citoyenne des rez-de-chaussée vacants pour des rues vivantes », soit le réinvestissement par les habitants eux-mêmes des lieux de commerce désertés.

Ici s’ébauche enfin une idée de faire-ensemble, ancrée dans une pratique dont tout un chacun peut bénéficier. Le B.E.A.U. sera ouvert jusqu’au 4 avril et propose trois angles d’activités : une agence (hihi)mobilière décalée pour mettre en lien porteurs de projets et boutiques ; une agence de voyage O.V.N.I (« Office de Voyage Naturellement Internationale ») qui propose des balades urbaines singulières, un « duty free » avec des objets pour découvrir la ville autrement, un « espace privilège » (écoute sonore, exposition, etc.) ; et les Studios Carton qui organisent plateaux radio, TV et gazette hebdomadaire.

Le B.E.A.U. est ouvert du 14 mars au 4 avril dans le quartier Jacquard. © James Becht

La biennale du design 2015, du 12 mars au 12 avril 2015, Saint-Etienne