Quand les biohackers traquent le cheval dans vos assiettes
Publié le 3 février 2015 par Carine Claude
Impossible de savoir ce que vous mangez vraiment ? Biohackers et start-ups imaginent des prototypes pour découvrir la face cachée de notre alimentation.
Scandales de la viande industrielle, traçabilité aléatoire, explosion des OGM, chute de la qualité nutritionnelle des aliments, bio qui n’en est pas toujours… Pour le consommateur, savoir ce qu’il met dans son assiette relève du jeu de piste. Ces questions titillent les biohackers, qui, de green hackathon en food hacking, multiplient les prototypes pour analyser les aliments, gérer le gaspillage et revenir à une économie raisonnée de la production agricole. Quelque part entre enjeu de santé publique et prise de conscience citoyenne. Car la course au rendement se fait inexorablement au détriment de la qualité de l’alimentation et de la diversité des variétés cultivées.
Dans son étude Still No Free Lunch, Brian Halweil, chercheur à l’institut de recherche indépendant Worldwatch Institute, analyse une dizaine de travaux universitaires publiés depuis 1997. La conclusion est édifiante, qui confirme « l’essor de la « calorie vide » : grasse, sucrée, mais inutile pour la santé ». Selon Rue89, « même dans les aliments réputés sains, vitamines A et C, protéines, phosphore, calcium, fer et autres minéraux ou oligo-éléments ont été divisés par deux, par 25, voire par 100, en un demi-siècle ». Bref, il faudrait ingurgiter 100 pommes pour retrouver le niveau nutritionnel d’une Golden des années 1950!
Traquer l’ADN dans les assiettes
En 2013, le biohacklab parisien La Paillasse avait développé une version « quick and dirty » du DNA barcoding, cette méthode d’analyse biologique permettant de déterminer une signature génétique. Et donc de savoir si un aliment est OGM ou encore de connaître l’origine de la viande dans des produits agroalimentaires.
Sauf que cette méthode, fort pratique pour « déterminer de quoi sont faites vos lasagnes », est longue et coûteuse lorsque l’on s’adresse au leader européen du secteur, Eurogentec, qui facture 200 euros et demande un délai de 3 jours par échantillon. D’où l’idée de Thomas Landrain, co-fondateur de la Paillasse, « de cracker les méthodes actuelles et mettre au point une méthode de DNA barcoding la moins chère et la plus rapide possible, du DNA barcoding en mode Quick and Dirty ! En sacrifiant de la sensibilité à la méthode, nous avons réussi à réduire le temps d’analyse à 4 heures (au lieu de 3 jours !) et pour un coût de 3 à 5 euros (au lieu de 200 euros) par échantillon », explique-t-il sur le site du biohacklab. Le protocole est documenté sur le wiki de la Paillasse, qui organise des ateliers de DNA barcoding pour se faire la main.
Passer les nutriments au détecteur de mensonge
L’autre parade pour savoir ce que racontent vos fruits et légumes ? Les passer au détecteur. Longtemps réservés à l’industrie agroalimentaire, les analyseurs de nutriments font doucement leur apparition sur le marché. En 2014, la start-up israélienne Consumer Physics a levé 2,8 millions de dollars sur Kickstarter (sur 200.000 $ demandés) pour le prototype de son SCiO, un analyseur de composition moléculaire format poche qui sera commercialisé 249 $ en juillet 2015.
Le principe ? Grâce à un système de spectroscopie proche infrarouge (NIR), l’appareil scanne l’aliment et décrypte sa composition moléculaire directement sur smartphone. Taux de sucre, de graisse, présence d’allergènes, il analyse aussi bien aliments que médicaments, composition des sols, etc.
Vidéo de démonstration du prototype du SCiO (en anglais) :
Dans un autre registre pas franchement maker, le Lapka Organic, un détecteur américain de culture biologique pour fruits et légumes commercialisé 79 €, est conçu pour repérer les quantités de nitrates dus à l’utilisation d’engrais synthétiques. Il est donc capable de déterminer si la pomme achetée sous label bio a bien été cultivée selon les normes de l’agriculture biologique.
Le site de la Paillasse