Du 6 au 9 octobre, le Réseau Français des Fablabs et Espaces du Faire a réuni sa communauté de makers dans le Vercors. Une rencontre stratégique annuelle où il a surtout été question de gouvernance.
L’édition 2022 d’OctoberMake se tenait cette année à Autrans-Méaudre dans le Vercors, en Auvergne Rhône-Alpes. Partagé entre le site du Bois de Lune (un centre de vacances faisant office de gîte et de structure d’accueil pédagogique) et La Jolie Colo, un collectif d’artisans, tiers-lieu d’activités et de création basé à Méaudre (qui lance d’ailleurs son tout nouveau projet de fablab sous forme d’un appel à financement participatif), l’évènement réunissait cette année plus d’un centaine d’inscrits. Cette édition a également fait preuve d’une forte mobilisation des acteurs locaux (région AuRA) qui s’expliquait par la proximité géographique des participant.es, sans exclure la présence d’autres acteur.trices, puisqu’étaient présent.es des makeurs.euses de Toulouse, Strasbourg, Montélimar, St Nazaire, Paris ou d’Afrique de l’Ouest. Un rassemblement rendu possible par la collaboration de trois structures locales, parmi lesquelles Le Moulin Digital d’Alixan, Luz’in de La Tour du Pin et La Machinerie de Grenoble.
Le choix du Vercors représentait un défi supplémentaire en termes d’organisation dû à la quasi-absence de train dans la région, et nécessitait une coordination impeccable qui mettait en avant les solutions de partage intelligentes, covoiturage et transports en commun, afin que tous.tes les participant.es arrivent à bon port.
Repenser la gouvernance au sein du réseau
OctoberMake est un moment extrêmement important pour le RFFLabs. C’est l’occasion d’aborder tous.tes ensemble les questions essentielles de structuration et de politique de réseau, de communication interne et externe, d’union des volontés et d’engagement, de transmission, et surtout de collégialité (ou gouvernance partagée), un précepte constitutif de la communauté maker. « Il y a beaucoup de stratégies possibles, beaucoup d’idées, beaucoup de choses à hybrider, et ça aussi c’est l’objectif d’OctoberMake » explique Antoine Ruiz-Scorletti, co-président de l’association avec Olivier Gendrin. Or, le grand évènement du vendredi 07 octobre 2022 c’était l’assemblée générale du RFFLabs.
Le gros chantier de cette année porte justement sur la Gouvernance. « Il est nécessaire de ponctuellement repenser la façon dont nous mutualisons, dont nous faisons réseau. Il faut sortir du schéma pyramidal de responsabilités et de direction. Qu’il y ait des pilotes sur certains projets, c’est normal, mais il faut mettre un terme au modèle « une tête qui redistribue », affirme Charline Bobet, secrétaire de l’association. De fait, au sein du RFFLabs comme dans toute structure qui doit négocier avec des institutions nationales et internationales, il est parfois nécessaire d’identifier des rôles. Les responsabilités légales, en matière de financement, de réception d’appels à projet ou de gestion des comptes associatifs obligent les plus fluides des organisations à répondre à ces obligations. Cela n’empêche pas une certaine souplesse en interne. Charline Bobet : « Au sein de l’association, les responsabilités sont partagées selon les envies et les compétences personnelles, pas en termes de titres administratifs. Les bénévoles en charge de la gestion de l’asso le font par passion, en prenant sur leur temps personnel, pas parce qu’il faut répondre à des statuts ».
L’importance de la transmission
A côté des nombreux ateliers proposés cette année, la réunion des adhérent.es du RFFLabs a été l’occasion de discuter du rôle de l’association et de son évolution dans un écosystème en constante augmentation depuis l’arrivée des Tiers-Lieux et des nombreux autres espaces du faire. Qu’est-ce que le RFFLabs ? Un centralisateur des demandes au national et des réseaux distribués ? Un labellisateur ? Un facilitateur de rencontres entre milieux qui permet de produire du commun ? Pour Charline Bobet, Secrétaire de l’association, c’est un méta-facilitateur et un outil de transmission : « L’idée étant d’agréger tous les fablabs et espaces du faire du territoire (et de la francophonie), pour parler d’une seule voix quand il s’agit de redistribuer des savoirs faire, mais aussi quand nous nous adressons aux institutions, aux administrations et de répondre à des appels à projets. » Pour l’intéressée, la diversité est ce qui fait toute la richesse du réseau, surtout quand elle est mise en commun. « Il y a beaucoup de choses qui se font dans différents fablabs. La transmission est importante, parce que c’est intéressant qu’on les fasse ensemble. On va plus vite, l’apprentissage est plus complet et tout le monde en profite. Cela permet de documenter des pratiques ou des compétences qui sont ensuite redistribuables par d’autres fablabs qui se créent, ou qui accueillent nouvellement ces pratiques » explique-t-elle.
Un temps qui rassemble
Parmi la foule de participant.es, plutôt hétérogène et diversifiée, on a pu rencontrer Claude (Convergences 26, Fablab de Montélimar) coorganisateur du pilotage de cet OctoberMake. Son aventure maker commence dans son magasin d’électronique. A l’initiative d’une soirée entre fanatiques de la bidouille, il réalise que ce moment de rencontre et d’échange pourrait être à l’origine de la création d’un Repair Café, puis d’un fablab. On a également pu discuter avec Elodie, makeuse spécialisée en sérigraphie sur bois à Luz’in (La Tour du Pin), ancienne chargée de communication reconvertie qui a décidé d’accorder ses aspirations à une activité qui lui correspond. Même parcours pour Cécile, responsable du Pôle communication dans une communauté de communes. Désireuse d’être dans l’action et la création, elle se trouve aujourd’hui à la tête du tout nouveau Fablab de St Marcellin (Isère). Plus tard, Mélanie nous raconte son parcours : étudiante en design, elle découvre au cours d’un stage l’univers des makers et décide d’en faire son métier. Elle est aujourd’hui Chargée de Mission Repair Café de la Cybergrange à Strasbourg. Alexandre Rousselet, salarié du RFFLabs (également co-fondateur et animateur de la communauté européenne de makers Vulca et de Makers des Montagnes) : « L’OctoberMake se construit par et avec celles et ceux qui participent à l’évènement : les fablabs, les makerspaces et les membres du réseau en général. Nous essayons de le distribuer d’année en année sur tout le territoire français sans forcément penser de façon régionale, mais au moins en changeant de département à chaque édition. On a constaté que cela crée une vraie synergie ».
La complexité de faire ensemble
Si le principe général d’une collégialité (ou « gouvernance partagée ») a finalement été retenu, il soulève aussi quelques inquiétudes : « beaucoup d’adhérent.es ne veulent pas forcément partager les responsabilités de gouvernance du réseau. Ceci étant, tout se fait en collectif avec ceux et celles qui veulent s’impliquer dans la gouvernance. » explique la secrétaire du RFFLabs.
La majorité des acteur.trices de RFFLabs sont bien conscient.es que structurer un tel réseau à l’échelle nationale, alors que viennent continuellement s’agréger de nouveaux espaces du faire, nécessite une structure solide et une gouvernance transparente. L’édition 2022 d’OctoberMake est donc à envisager comme une première étape vers un processus de structuration à plus longue échéance : repenser la gouvernance nécessite de s’assurer les faveurs d’une majorité d’adhérent.es et beaucoup de travail. « Cela veut dire voter à nouveau les statuts, ressortir tous les documents fondateurs de l’association et les remettre en question, et enfin les soumettre aux adhérent.es et qu’elles ou ils, les valident. Puisqu’évidemment on ne peut pas avancer si on n’est pas d’accord à la majorité. » conclut Charline Bobet.
Suite aux échanges de l’AG de cette édition 2022 riche en sujets et en remises en question, il a donc été décidé qu’un groupe pilote identifié du RFFLabs ferait appel aux bonnes volontés pour réunir les personnes intéressées dans l’élaboration d’une nouvelle gouvernance afin de mettre sur pied cette collégialité souhaitée par la majorité du réseau. Le RFFLabs fait ainsi un pas prudent vers l’institutionnalisation, tout en gardant à cœur de protéger, d’encourager et de valoriser les volontés et les initiatives individuelles. En chantier donc !