Werepair et Fablab Itinerante par le fablab Cuenca. DR.
Avec le « Tour des Labs » Makery ouvre cet été ses colonnes au Réseau Français des Fablabs et des Espaces du Faire. Première chronique par Rémi Mauvoisin de l’association Vulca, engagé dans un périple qui le mène d’Occitanie vers un tour d’Espagne et qui s’achèvera au Pays Basque.
Correspondance,
Partir à la découverte des fablabs et autres m/hackerspace, c’est toujours une aventure pleine de surprises et de rendez-vous hauts en couleurs. Alors, quand je me suis décidé à m’engager sur les routes méditerranéennes à la rencontre des makers français et espagnols, je m’attendais bien sûr à découvrir matériel et équipement toujours plus surprenant, des lieux toujours plus innovants et créatifs, des personnes dévouées à leur cause, mais je ne pensais pas que le sujet qui me préoccuperait le plus et qui, sous la chaleur et le soleil, unissait ces gens d’horizons et d’ambitions différentes était la seule et même chose…
Le cœur, c’est ce qui permet à Fred & Samith de mener des projets tout au long de l’année, avec le Fablab du Grand Narbonne. Il est indispensable pour sillonner les communes des alentours et mettre en œuvre des espaces de fabrication éphémères. Les Micro-folies, qui proposent de faire découvrir les possibilités d’épanouissement et de création que permettent la culture numérique, demandent une énergie considérable en terme d’animation et de gestion du matériel. Le cœur, moteur des bras et du corps. Leur cœur, qu’on leur demande de ménager et qu’il leur faudrait parfois reposer.
Le projet Micro-Folie s’articule autour d’un Musée numérique en collaboration avec 12 établissements culturels nationaux fondateurs, complétés de plusieurs modules complémentaires comme un fablab, un espace de réalité virtuelle, une scène, une bibliothèque/ludothèque ou encore un espace de convivialité.
De l’Occitanie à la Catalogne
Le cœur c’est aussi ce qui a permis à Joris (du Squaregolab/Cyberfabrique à Le Soler près de Perpignan) et Matthieu (du Fablab de Sant Cugat à Sant Cugat del Vallès dans la région de Barcelone) de braver les difficultés et d’aller au bout de leurs idées et de leurs projets. Ce cœur là, c’est celui de la famille et des proches. Des soutiens indéfectibles lors des moments où le bateau tangue, lorsque les coups bas et les trahison surviennent ou lorsque les difficultés paraissent insurmontables. On ne s’imagine jamais l’importance d’une épaule amicale, du soutien d’une épouse attentionnée et de la présence d’enfants passionnés. De ces épreuves naissent ou renaissent des projets toujours plus authentiques et dynamiques. La force des cœurs unis. A cœur vaillant, rien d’impossible.
En ce moment, Joris travaille sur le « Mois de la Fabrication Distribuée ». Le principe est simple, 3 fablabs ont fait 3 design de mobiliers utiles aux collectivités territoriales qui sont a présent répliqués dans plusieurs fablabs en France. C’est un projet intéressant car il prouve que les fablabs ont la possibilité de fabriquer ensemble et de mutualiser leur savoir-faire, en partant d’un fichier unique et open-source, tout en faisant évoluer la documentation d’origine en fonction des retours du terrain des premiers utilisateurs.
Il y a aussi le cœur du delta de l’Ebre, au Fablab Terres de l’Ebre d’Amposta, et le Green Fablab de Valldaura, dans le parc naturel de Collserola où, respectivement Jordi et Bruno puisent dans l’âme de leur site pour valoriser, riz, bois, plastiques… Ces havres de nature à préserver sont les bases de leurs projets, centrés sur l’autosuffisance ou le développement durable, comme la création de nouveaux matériaux composites. Ces mêmes projets étant les fondations structurantes de leur communauté d’étudiants ou d’agriculteurs, le cœur de leur raison d’être. Le cœur d’un futur plus sobre et respectueux des contextes locaux.
Jordi Giner témoigne sur le projet km0 sur les biomatériaux :
« Je m’appelle Jordi Giner et je suis le technicien du Fab Lab Terres de l’Ebre, situé à Amposta, Tarragone. Je vais vous parler du projet de création d’une future bibliothèque de biomatériaux au cœur du delta de l’Ebre.
Notre région a toujours eu un caractère rural et, pendant de nombreuses années, le riz a été notre principal moyen de subsistance. En raison des caractéristiques de la terre, marécageuse, avec beaucoup d’eau douce provenant du fleuve Ebro et une grande platitude, le riz est la meilleure céréale à cultiver. Mais il y a toujours un sous-produit dérivé du riz, la balle, qui est très difficile à gérer. Les agriculteurs ont toujours utilisé cette balle pour nourrir les animaux, mais seulement 25% est utilisé pour cela, les 75% restants doivent être brûlés et créent une pollution et une contamination environnementale. C’est pourquoi la Cambra Arrossera del Montsià, après 14 ans de recherche, a créé un système qui transforme la balle de riz en un biopolymère, l’Oryzite.
Ce polymère présente plusieurs avantages : il a un impact moindre sur l’environnement, la densité plus faible du matériau le rend très attractif pour différents secteurs tels que le secteur automobile, où le poids du matériau injecté peut être jusqu’à 20% inférieur. Il convient également à différents emballages alimentaires, tels que les barquettes ou les gobelets. Une autre grande adaptation de ce composé est la capsule de café qui, une fois utilisée, se dissout au contact de l’eau pendant 48 heures. Nous travaillons aussi sur d’autres biomatériaux, destinés à l’industrie du meuble, qui sont réalisés en mélangeant de la poudre de noyau d’olive à des sous-produits de la viande (la gélatine et ses dérivés). Ce biomatériau permet ainsi de réaliser des planches. Différents projets de recherche sont également développés avec des sous-produits du delta de l’Ebre, tels que différents types d’algues d’eau douce et des écorces d’orange.
En tant que Fab Lab, notre mission est d’être le point focal et le point de référence pour les polymères, les biomatériaux et la durabilité au niveau industriel et des fabricants en Catalogne et en Espagne. »
Toujours plus sud
Plus au Sud, à Castellón de la Plana sur la côte, en se rapprochant de Valence, il y a aussi les hackers du Hackerspace Castellón, Pablo et Paco. Il y a toujours de la place dans leur petit local, au cœur du campus universitaire Jaume 1, qui sent bon la fraternité, l’entraide, la débrouille. Ils n’hésiteront jamais à vous rendre service, quitte à ce que ça leur coûte quelques mètres de filament ou de longues soirées de réflexion autour d’une paella. Leur dada, c’est le hack, la bidouille et finir par torturer les objets pour les utiliser à des fins insoupçonnées. De la borne d’arcade au chemobox ayudame. Le cœur sur la main, car il n’y a pas de petit projet.
Et enfin, après une dizaine de jours sur les routes, l’arrivée à Cuenca. Là avec Georg, un autre maker en résidence accompagné par l’association Vulca, nous sommes entrés au cœur du sujet en prenant place au sein du Fablab Cuenca de Delia et Mickael. En une semaine se sont enchaînés projets, repair-cafés, recyclage, jardinage dans un fablab flambant neuf, pour lequel nous avons tous ensemble hissé le pavillon et porté haut les couleurs, jusque dans des villages isolés. Assommé par la chaleur, chacun a pu partager ses expériences, son savoir-faire, ses craintes et ses projets. Des discussions à cœur ouvert et à bâtons rompus.
Cette semaine était organisée dans le cadre d’un projet d’échange européen entre trois fablabs partenaires qui organisent régulièrement des ateliers de réparation : Buihno au Portugal, Makers des Montagnes en France et Fablab Cuenca en Espagne. Grâce à Vulca, qui documente de nombreuses résidences maker en Europe sur MakerTour, nous avons eu l’occasion avec Georg, de passer une semaine en résidence dan le Fablab Cuenca tout en participant activement aux deux projets phares : werepair, un atelier de réparation et le Fablab Itinerante qui va à la rencontre des villes et villages isolés. Pour en savoir davantage sur ces projets, vous pouvez contacter le fablab sur ses réseaux sociaux Instagram et Facebook.
Rémi Mauvoisin sera de retour sur les routes françaises en septembre, cette fois le long de la Côte Atlantique, jusqu’en Normandie. Si vous êtes un maker des alentours n’hésitez pas à le contacter directement ou via les deux associations que sont RFFLabs et Vulca. Il se fera un grand plaisir de faire un petit détour pour partager un moment avec vous.
Contacter Rémi Mauvoisin sur son Twitter @mytechnobox.