Le Sample. Atelier Pair-à-Pair du PAM. Photo : © Arnaud Idelon
Ouvert en juin dernier, le Sample est un tout nouveau tiers-lieu culturel et solidaire situé à Bagnolet. Cette friche accueillera le PAM FEST !, du 28 au 30 octobre. Cette manifestation réunira tous les acteurs concernés par ce type d’expérimentations urbaines, artistiques et sociales. Rencontre avec Arnaud Idelon, programmateur de l’événement.
Correspondance,
Journaliste indépendant, intervenant parfois dans Makery, Arnaud Idelon co-coordonne également le Diplôme Universitaire Espaces Communs avec Yes We Camp et l’Université Gustave Eiffel. Co-fondateur d’Ancoats, initiateur du PAM FEST !, et du Sample, lieu qui l’accueille, il nous en dit plus sur le programme du festival.
Makery : Pouvez-vous nous présenter le Sample, son équipe, le lieu et les motivations du projet ?
Arnaud Idelon : Le Sample, situé dans les anciens ateliers Publison qui fabriquaient des machines à effet comme la cultissime DHM89, est un tiers-lieu culturel et solidaire monté en partenariat par Ancoats et La Belle Friche, et mis à disposition par SOPIC. Nous accueillons 50 résident.e.s du champ culturel et de l’ESS (journalistes, critiques, artisans, typographes, graphistes, designer social, documentaristes…) sur un étage ; des associations de Bagnolet et Montreuil dans l’ancien showroom des ateliers ; une salle d’exposition et de concert, ainsi qu’un jardin de 1500m2 dédié à l’accueil du public et la diffusion culturelle (poésie, performance, musique, fête) ; et bien sûr le restaurant solidaire de nos partenaires Ernest.
C’est un lieu de travail, de nuit et de jour, avec un écosystème qui œuvre sur des formes contributives d’économie à l’échelle du bâtiment, une gouvernance partagée et une programmation pensée par tous les usagers du lieu, mais aussi un lieu d’expérimentations que nous documentons, avec notamment des résidences de chercheurs (urbanisme, management des organisations culturelles…), et de transmission avec l’accueil de formations (DU Espaces Communs, Université Paris 3 et Paris 1). C’est une manière pour nous de faire atterrir les méthodes et outils formalisés ces dernières années dans nos activités d’accompagnement, de conseil et d’AMO avec le double objectif de faire advenir dans la dent creuse (convention de 18 mois avec le propriétaire, extensibles) un lieu de possibles pour travailleurs, associations et publics, et celui de teinter la programmation future du lieu des usages suscités et révélés ici.
Parlez-nous de l’initiative Ancoats, ce qui a motivé sa création et ses objectifs ?
Ancoats a été fondé par des chargés de développement officiant avant 2017 dans des tiers-lieux culturels de Paris ou du 93 (DOC, Zone Sensible, le 6b, La Station – Gare des Mines) afin d’accompagner d’autres lieux (Vive Les Groues, Halle Papin, Le PréàVie, Le Freegan Pony, Les Grands Voisins, l’Hyper…) dans leur développement et la recherche de financements. Progressivement, nous avons étoffé notre accompagnement vers la structuration de modèles économiques, les outils budgétaires, la diversification des ressources, les schémas de gouvernance et leur transcription juridique. Là, un nouveau métier est né lorsque nous avons été sollicités par des collectivités ou des aménageurs pour les accompagner comme assistance à maîtrise d’ouvrage ou via des études dans le déploiement des dynamiques de tiers-lieux culturels sur leurs territoires. Notre méthodologie est artisanale et contextuelle : pas de réplication de modèles établis, un ancrage du lieu au sein d’une communauté d’usages, l’autonomisation des acteurs locaux dans la prise en main d’un lieu.
Enfin, depuis quelques années, notre troisième métier est celui de la transmission avec la co-coordination, aux côtés de Yes We Camp et de l’Université Gustave Eiffel avec le Diplôme Universitaire Espaces Communs qui forme chaque année une soixantaine de professionnels (architectes, urbanistes, agents de collectivités, artistes, entrepreneurs, équipes de lieux…) à la conception, la mise en oeuvre et l’animation d’espaces communs et autres tiers-lieux, ainsi qu’un programme d’accompagnement mixte (learning expeditions, ateliers pairs-à-pairs, formations, pôle ressource, tables rondes…) dédié à l’émergence de tiers-lieux culturels en France, soutenu par le Ministère de la Culture (DGMIC).
Qu’est-ce que PAM, est-ce un acronyme, et qu’est-ce que vous espérez stimuler avec cet événement ?
PAM est en effet l’acronyme de ce Programme d’Accompagnement Mixte qui comportait un cycle de tables rondes. Avec la crise sanitaire, nous avons dû reporter une à une ces tables rondes que nous avons décidé de concentrer en un temps fort au Sample. C’est (sans beaucoup d’imagination !) le PAM FEST ! Du 28 au 30 octobre, le Sample accueillera donc des tables rondes et discussions entre élus, agents de collectivités, urbanistes, architectes, artistes, aménageurs, promoteurs, entrepreneurs, activistes et acteurs associatifs sur la place, le rôle et l’impact des tiers-lieux dans la fabrique de la ville (le 28/10), le champ culturel (le 29/10) et la création artistique (le 30/10).
L’idée, à un moment où le tiers-lieu a le vent en poupe, est de stimuler le débat et l’inter-connaissance entre des mondes qui se parlent peu, des métiers, des postures et des méthodologies très différentes qui gagneraient à travailler ensemble pour renforcer l’essor de tiers-lieux sur les territoires. C’est aussi un moment d’échange désigné pour construire des approches communes, une sémantique sur laquelle s’entendre, et un espace-temps destiné à insuffler de la nuance là où il existe encore beaucoup de confusion pour la presse, le grand public et ces acteurs eux-mêmes entre tiers-lieux, friches et urbanisme transitoire.
Quels seront selon vous les temps forts du rendez-vous ?
La première journée fera se croiser des points de vue très différents sur la manière dont les tiers-lieux peuvent être une opportunité de bascule pour les acteurs plus classiques de la fabrique de la ville dans un paradigme d’expérimentation, de prototypage et de R&D, avec une mise en perspective sur les innovations portées par des espaces communautaires (jardins partagés, tiers-lieux, écoles en plein air) en France comme à l’étranger. La seconde journée questionnera les potentiels de la mutualisation, des contrats de réciprocité et de la formation pair-à-pair dans des lieux accueillant des artistes, mais également la place de l’éducation populaire, des droits culturels et des ambiances comme levier d’empowerment pour les communautés des tiers-lieux et se clôturera sur la manière dont les tiers-lieux, culturels ou non (puisque nous accueillerons Anthony Seddiki créateur de l’initiative Visière Solidaire), se sont mobilisés durant la crise sanitaire.
La dernière journée explorera la manière dont ces lieux influent sur l’auctorialité individuelle pour tendre à des communs de la création et des écritures collaboratives. La dernière table ronde tempèrera l’enthousiasme des précédentes en montrant que, alors même que les tiers-lieux semblent être partout un modèle de sortie de crise, ces espaces-temps nés d’initiatives citoyennes sont encore très fragiles, et précarisés par la versatilité politicienne comme par le marché immobilier et en questionnant les leviers collectifs de résistance et d’encapacitation. Il y aura aussi le soir quelques DJ sets et des repas d’Ernest, mais nous sommes toujours en train de dessiner la programmation.
Le Sample, 18 avenue de la République, Bagnolet