Le Talus : un laboratoire de la transition écologique en plein Marseille
Publié le 30 novembre 2020 par Aphélandra Siassia
Situé au pied des tours et des montagnes, dans le quartier de Saint-Jean-du-Désert de Marseille, le Talus développe depuis 2018 sa volonté de devenir un véritable laboratoire de la transition écologique. En plus d’être une ferme urbaine où les riverains peuvent venir cultiver leurs potagers sur des parcelles en location, cette friche propose un éventail d’activités tout au long de l’année, allant de la simple restauration en passant par des visites pédagogiques et des activités culturelles. Rencontre avec Valentin Charvet, co-coordinateur général du site et Julia Laporte, chargée de communication.
Samedi 14 novembre. La journée est clémente pour la saison automnale. Au Talus, ferme urbaine située dans le quartier de Saint-Jean-du-Désert dans le douzième arrondissement de Marseille, quelques familles profitent du potager et de la vente de légumes autorisée pendant le deuxième confinement.
Lancé en 2018 par Valentin Charvet, actuel co-coordinateur général avec Carl Pfanner, en partenariat avec Frédéric Denel – président de l’association porteuse du projet, Heko Farm -, le Talus a pour ambition première de mettre la nourriture en ville au centre des préoccupations, en reconnectant les citadins à ces problématiques tout en créant de nouveaux modes de productions locales, passant par l’expérimentation, l’innovation et le respect de l’environnement.
« Autour de cet axe central qui est la nourriture en ville, vient s’ajouter une série d’expérimentations et de tests autour de la culture. Comment cultiver tel aliment ? Comment cultiver avec ce climat ? Comment faire pousser ? Comment vendre ? Par exemple, en ce moment, on est en train de tester le séchage solaire pour nos baies de Goji. » introduit Julia Laporte, chargée de communication du site et cheffe du pôle mécanique. Elle poursuit : « Nous souhaitons de la même manière créer un espace vert et de biodiversité en ville avec la mare, l’installation d’espaces de refuge pour les oiseaux et les insectes, l’implantation de races de poules anciennes sur le site, ou encore l’arrivée d’abeilles endémiques. »
Les friches urbaines berlinoises comme point de départ
L’idée émerge en 2014. Installé à Berlin depuis quelques années, Valentin Charvet s’intéresse de plus en plus aux dynamiques mises en place dans les différentes friches urbaines de la ville. Il se rapproche alors de l’équipe du Prinzessinnengärten – jardin urbain situé en plein cœur du quartier de Kreuzberg -, et se nourrit de cette expérience dans la préfiguration d’un futur projet, qui deviendra au fil du temps et des rencontres le Talus. « A Berlin, j’ai découvert des lieux qui m’ont beaucoup inspiré. J’ai participé à différents projets comme le Prinzessinngärten. Les créateurs sont partis d’un parking en plein milieu de la ville et ils ont monté un jardin, une petite buvette, un espace restauration, et ils ont mis en place des animations. J’ai vraiment vu là-dedans le futur des places publiques urbaines, ces lieux tiers qui permettent de faire des connexions intergénérationnelles, d’avoir de la mixité sociale, tout en ayant un impact intéressant sur le plan environnemental », explique le coordinateur général.
De retour à Marseille, il prend conscience du manque d’espaces extérieurs dans la ville en dépit de son climat, mais aussi de la montée en puissance d’une conscience écologique en France. Sa rencontre avec Frédéric Denel en 2016 lui permet de développer son idée et de mettre en place des premières actions. « A mon retour à Marseille, Frédéric Denel venait de créer l’association Heko Farm et ensemble, on a commencé à mettre en place différentes actions : un potager dans une école à la Pointe Rouge, on a fait des études pour des collectivités sur la valorisation du foncier non bâti, mais aussi pour des aménageurs immobiliers sur l’utilisation du foncier non bâti à dessein écologique et productif », souligne le jeune entrepreneur. « On a travaillé sur ces mobilisations tout en créant en arrière-fond ce projet. Et puis en avril 2018, on a pu récupérer ce terrain et commencer les travaux de mise en conformité et de transformation de l’espace. A la base, ici c’était la décharge de Remblais. Donc, il a fallu faire la planification, faire la partie terrassement et commencer à monter l’infrastructure. »
Le Talus, un espace de lien social
Depuis son ouverture en avril 2018, le Talus est devenu un espace de lien social, ouvert au public et dont chacun peut se saisir. En guise d’activités pivots, la mise en place de chantiers participatifs et la location de bacs de potagers ont permis de créer une véritable synergie et une dynamique collective particulière. « Pour ce qui est des chantiers participatifs, les gens viennent avant tout pour échanger et discuter. Plusieurs tâches sont définies pour la matinée et chaque tâche est expliquée, et on échange sur la pratique du voisin. (…) Il y a toujours une approche un peu pédagogique. Une personne référente de la structure est là pour partager le savoir et en apprendre davantage », développe Julia Laporte. « Pour ce qui est des bacs potagers, on a mis cette initiative en place pour que les gens puissent communiquer les uns les autres. Assez rapidement, un groupe Facebook a été créé et maintenant, ils sont en auto-gestion de ce compte. (…) C’est assez étonnant de voir comment les gens se sont saisis du projet et ont mis en place une petite communauté. »
S’inscrire sur un territoire
Un autre enjeu social pour le Talus, est l’intégration de la population des quartiers voisins au projet. Depuis l’installation de l’équipe dans cette zone péri-urbaine, les voisins peinent à investir cet espace pourtant pensé en partie pour eux. Une situation que l’équipe de coordination souhaite dépasser en créant plus de médiation avec les riverains grâce à l’action d’animateurs sensibilisés à ces problématiques. « Aujourd’hui, l’un de nos challenges c’est de dynamiser nos relations avec la population des quartiers voisins. Tu crées un projet pour ton empreinte et ton ancrage local, tu essaies de mettre en place des activités pour le voisinage, mais il faut réussir à les faire venir, c’est plus dur. Il y a tout un travail de médiation à réaliser et ça on a envie de s’y consacrer » rétorque Valentin Charvet. « C’est vrai que la pluridisciplinarité du site permet de brasser différents types de publics. Mais l’un des gros enjeux c’est de s’implanter et de s’intégrer sur ce territoire. Nous sommes à côté des quartiers d’Air-Bel, de la Mazenod, de la Pomme. On a envie de montrer aux habitants qu’ils sont les bienvenus. Aujourd’hui, on a embauché Anaïs en animatrice environnement. Elle a développé tout un cycle avec l’école primaire d’Air-Bel. C’est une vraie première ouverture vers ce public qui ne venait pas naturellement. (…) Il y a cette nécessité de se déplacer, d’aller voir, de rencontrer, de se montrer pour faire venir les gens », complète la chargée de communication.
Une programmation dense, gage de mixité des publics
Un autre vecteur de lien, la dense programmation faisant partie intégrante de l’essence du Talus. « Il y a avait un choix très marqué d’avoir un aspect festif, culturel associé à l’agriculture urbaine dès le départ. On cultive sur une petite surface et c’est vrai qu’économiquement avoir un modèle stable c’est compliqué et du coup, il y avait cette nécessité de diversifier les activités pour pouvoir durer, se stabiliser et s’autofinancer le plus rapidement possible », poursuit la jeune femme.
Tout au long de l’année, hors temps de confinement, le public peut venir participer à un grand nombre d’activités allant des cours de cuisines vegan, au cours de hatha yoga en passant par la création de cosmétiques, tout en jouissant d’une dense programmation culturelle et événementielle avec des concerts, des spectacles de danses et de théâtres ou encore des dj sets en plein air l’été. « Aujourd’hui on essaye de mettre en place une programmation autour de l’idée de do it yourself que ce soit faire ses propres cosmétiques, apprendre à cuisiner avec moins de viande, apprendre à transformer des palettes dans du mobilier de jardin, d’avoir une programmation pédagogique pour adulte qui touche un petit peu à tous ces sujets et ça se fait en fonction des rencontres, des intervenants, des idées.” développe Valentin Charvet. “Pour ce qui est de la programmation événementielle et musicale, il y a quand même très peu de lieux d’extérieurs qui proposent ce type de choses à Marseille. (…) On voulait proposer un espace de liberté et d’expérimentation pour des jeunes collectifs. »
L’installation de la deuxième parcelle : vers une dynamique de tiers-lieux
Avec l’aménagement progressif d’une deuxième parcelle annexe de 4500 m2, l’équipe compte bien développer sa programmation et s’inscrire davantage dans une dynamique de tiers-lieux. Sur cet espace, l’idée est avant tout de faire appel à des porteurs de projets extérieurs, pour qu’ils viennent investir cet espace et développer de nouvelles activités. « Le grand tournant du Talus, c’est l’expansion du projet en tiers lieux. On vient de récupérer une deuxième parcelle située à 100 m. C’est une dalle de béton, donc impossible de faire du maraîchage sur sol vivant. Du coup, on s’est dit que l’on mettrait à disposition cet espace à plusieurs initiatives qui viendraient s’y installer. Nous avons lancé un appel à manifestation pour voir quels types d’acteurs veulent investir les lieux. Pour l’instant, il y a aura sans doute une ferme en aquaponie, trois ruchers, un four à pain… », conclut la chargée en communication. « Et nous, en tant qu’association, on va aussi installer un atelier recyclerie dans l’idée de créer une dynamique circulaire avec le territoire sur lequel on s’inscrit. »
Pour proposer une activité au Talus c’est ici et ce jusqu’au 31 décembre 2020.