Débuté en mai 2017, le projet Métabolisme Urbain de Plaine Commune lancé par l’établissement public territorial et porté par un groupement d’experts piloté par Bellastock, redéfinit les frontières de l’urbanisme. En projetant une lecture durable et écologique sur les modèles de construction de la ville, le collectif cherche à démanteler une vision traditionnelle du secteur du BTP. Makery a rencontré Julie Benoit, directrice technique du projet pour en savoir plus.
Depuis mai 2017, l’équipe de la coopérative d’architecture expérimentale Bellastock est mandatée par la direction du développement économique de Plaine Commune pour mettre en place avec plusieurs structures et une chaîne d’acteurs partenaires une dynamique de métabolisme urbain en économie circulaire sur l’ensemble du territoire.
Avec la signature le 4 décembre dernier de la charte économie circulaire par Plaine Commune et la diffusion auprès de leurs élus, le projet Métabolisme Urbain passe en 2020 un nouveau cap et va se poursuivre sur les sites pilotes de la ZAC du quartier de la Mairie à La Courneuve et les ZAC Pleuyel et Sud Confluence à Saint-Denis.
Hier, @PlaineCoDev a signé la charte #économiecirculaire de @PlaineCommune . Expérimentée depuis 2013 sur la ZAC de l’écoquartier fluvial à @Ileentransition, la démarche se poursuit sur les ZAC du quartier de la mairie à @La_Courneuve, Pleyel et Sud Confluence à @VilleSaintDenis pic.twitter.com/v9NNNlOOqK
— Plaine Commune Dev (@PlaineCoDev) December 5, 2019
Fabriquer et repenser la ville
Fabriquer et repenser la ville, c’est le pari que s’est lancé Bellastock depuis son lancement en 2010. Spécialisé dans l’expérimentation, la recherche architecturale et urbanistique, l’association devenue coopérative redéfinit au gré de ses actions les contours du secteur, en développant une dense réflexion axée sur l’économie circulaire et sur la ville durable.
Cet idéal, l’équipe cherche à le diffuser à travers des événements inventifs, des formations ludiques et collectives au sein d’établissements, mais aussi grâce à la mise en place de projets d’envergure.
« Nous avons pour objectif de débattre de grands enjeux autour de la matérialité de la ville durable, d’asseoir ces nouvelles dynamiques autour de plusieurs thèmes et d’actions via des workshops, de la pédagogie avec des étudiants, des professionnels en formation continue, des conférences pour fabriquer de l’intelligence collective et transmettre des capacités de vivre autrement. L’idée est avant tout de s’interroger sur l’acte de construire » introduit Julie Benoit, responsable technique et recherche chez Bellastock, spécialisée dans les problématiques d’économie circulaire et en charge depuis 2017 du projet Métabolisme Urbain de Plaine Commune.
Bellastock et Plaine Commune : une filiation de longue durée
Dès 2012, l’organisation avait marqué les esprits en proposant le premier festival de déconstruction collective à partir de rebus – Le Grand Détournement sur l’Île-Saint-Denis – réunissant sur cinq jours architectes aguerris, en devenir, et autres amateurs éclairés. L’idée : habiter une ville éphémère construite collectivement à partir de déchets de construction et du territoire récupérés dans un hangar désaffecté.
Une initiative qui a permis à l’équipe de poser un pied dans Plaine Commune, structure intercommunale réunissant neuf villes du Nord de Paris. Car depuis cet événement, Bellastock ne cesse d’investir cet espace, territoire en constante renégociation à une période de mise en place progressive du projet du Grand Paris, de reconversion des friches industrielles, de préfiguration des Jeux Olympiques de 2024 et marqués par des problématiques socio-économiques de taille. La Seine-Saint Denis étant aujourd’hui encore l’un des départements les plus pauvres de France métropolitaine.
« En terme de filiation, nous avons beaucoup travaillé avec Plaine Commune sur son territoire notamment sur l’économie circulaire et sur les problématiques du réemploi depuis le festival en 2012. C’est ce qui a permis de créer une dynamique collégiale autour de ces thématiques », poursuit la directrice technique.
Métabolisme Urbain : vers de nouveaux modes de construction de la ville
Depuis mai 2017, c’est sur un projet beaucoup plus vaste sur lequel s’affaire l’équipe de Bellastock. Mandaté par la direction du développement économique de Plaine Commune suite à un appel à projet, la coopérative tente avec plusieurs structures et une chaîne d’acteurs partenaires, de mettre en place une dynamique de métabolisme urbain sur l’ensemble du territoire. En d’autre terme, d’activer une chaîne de valorisation des ressources in situ, utilisées pour la construction de nouveaux bâtiments à travers 30 sites pilotes. De fait, cette initiative évite toute forme de gaspillage et d’utilisation abusive des matériaux tout en valorisant la matière existante.
« Le métabolisme désigne le fonctionnement matériel de la ville. Cette notion est mobilisée par une chaîne d’acteurs urbains qui souhaitent favoriser une transition vers des métabolismes circulaires. Des projets émergent pour expérimenter des formes de ré-usages, des matières issues du stocks contenu dans les villes afin de limiter la mise en décharge », souligne la sociologue en étude urbaine Agnès Bastin dans la revue Urbanités.
Ainsi, avec le projet Métabolisme Urbain de Plaine Commune, l’équipe de Bellastock poursuit et consolide les ambitions qu’elle s’est fixée depuis ses débuts. A long terme, le but d’une telle démarche est d’imposer voire de rendre systémique ces nouveaux modes de constructions durables sur ce territoire et d’en proposer sa reproductibilité.
« La fabrique de la ville, ce sont des mutations longues et complexes, dans l’espace et le temps. Un quartier en mutation prend en moyenne 10 ans pour changer de visage. Un tel chantier commence par des planifications, par un engagement d’une collectivité sur un projet donné. Ce qui peut prendre plusieurs années. (…) Avec un projet comme Métabolisme Urbain, on interroge la mise en système de l’économie circulaire appliquée à ces actions. La collectivité prépare la capacité à puiser dans ses propres ressources, matérielles mais aussi humaines et culturelles, de façon pérenne et non anecdotique sur l’ensemble du territoire », développe Julie Benoit.
Une mise en place progressive
Pour rendre possible ce chantier, Bellastock a donc suivi un protocole bien rodé, pensé en amont par la collectivité, premier instigateur du projet. La première année a donc consisté à analyser la mine urbaine, ce qui passe par répertorier les chantiers, les matériaux utilisés, déterminer les bâtiments émetteurs et récepteurs tout en projetant l’ensemble dans une logique de valorisation.
Cette année a également été celle du choix des acteurs à intégrer dans la démarche et de rendre leur coopération possible et circulaire. La seconde a consisté à trouver des solutions au service du projet pour organiser la prescription du réemploi au sein des projets pilotes, faciliter la circulation de la matière, mobiliser les acteurs du territoires de façon opérationnelle, rendre visibles le potentiel du territoire et les actions innovantes.
La troisième année, 2020, est celle de la formation aux bonnes pratiques pour la collectivité et ses prestataires mais aussi celle de mise en système et en récit.
Une étape clef pour contribuer au rayonnement et à la diffusion de ce projet d’un tout nouveau genre. « Cette question du récit est importante car c’est notre point de départ. L’idée c’est de se détacher du plan d’action et de proposer un récit cohérent que l’on peut suivre sur toutes les étapes du projet et qui permet un engagement collectif. C’est fabriquer par petite touche un projet que chacun puisse raconter », poursuit la chargée du projet.
Un projet éminemment politique
Plus qu’un projet d’urbanisme transitoire, Métabolisme Urbain de Plaine Commune est avant tout un projet politique, porté par une collectivité territoriale qui essaye, grâce à l’action de prestataires extérieurs de rendre la ville de demain plus durable. Un engagement qui prend racine et trouve son sens dans un planning de reconfiguration de cet espace et dans une volonté de porter un discours pro-environnemental.
Et Julie Benoit de conclure : « L’engagement et l’émulation collective se fait au cœur de la collectivité qui émet le souhait d’intégrer l’économie sociale et solidaire dans les chantiers pour plusieurs raisons : c’est le territoire des Jeux Olympiques, d’un foncier mutable, et de quartiers de renouvellement urbain. »
En savoir plus sur le projet Métabolisme Urbain de Plaine Commune de Bellastock.
Consultez les trois fiches conçues récemment par Bellastock avec Envirobat Grand Est et Odeys sur le réemploi et la réutilisation des matériaux issus de la déconstruction sur le site Architectes.org.