Makery

Open Bee Lab : hacking et abeilles aux Rencontres Bandits Mages de Bourges

Pierre-Grangé Praderas lors de l'atelier OpenBeeLab au Château d'eau de Bourges. DR.

Makery a rencontré Pierre-Grangé Praderas, l’apiculteur hacker et artiste bordelais de l’OpenBeeLab, lors des dernières Rencontres Bandits-Mages de Bourges. Interview.

Les Rencontres Bandits-Mages de Bourges se tenaient du 12 novembre au 8 décembre 2019 et avaient pris pour thème cette année « Pollinactions, pollinisation des savoirs et des techniques ». Les abeilles y étaient bien évidemment à l’honneur et les Rencontres avaient notamment invité Pierre-Grangé Praderas de l’OpenBeeLab.

Déménagement de l’apiscope de l’association « Abeilles etc. ». DR.
L’apiscope en place et ouvert à l’exposition « PollinACTIONS » des Rencontres Bandits-Mages. DR.

Pouvez-vous revenir sur l’historique du projet OpenBeeLab ?

L’OpenBeeLab est né aux alentours de 2009/2010. Lorsque j’étais étudiant à Bordeaux j’avais commencé à mettre des abeilles sur mon balcon en centre ville. Vu que j’étais issu de la campagne et un peu perdu en ville, ça me rappelait ma jeunesse quand j’aidais mon grand-père apiculteur. Ensuite, puisque j’avais sous mes yeux cette ruche, un ordi sous linux, un arduino, des capteurs, je ne pouvais pas ne pas essayer quelque chose. Mais comme je me considérais un peu trop léger en technique pour tout gérer, j’en ai parlé à des amis techniciens et ils ont répondu tout de suite à l’appel. La première étape a été de faire des balances de ruches automatisées et connectées.

Quelques années plus tard c’est d’abord Aquilenet, le FAI associatif local, qui va nous aider à connecter les ruches et en nous hébergeant un serveur. Puis c’est le CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux, qui va nous accueillir et nous dégotter une aide d’une fondation pour qu’on puisse expérimenter librement. On finira par y faire aussi bien du son que de nouveaux modèles de balances qui seront ensuite produites en kits et en petite série par une partie de l’équipe. Aujourd’hui on est environ une douzaine de contributeurs, tous bénévoles, plus ou moins réguliers, et chacun y produit ou développe ce qu’il y veut. Software, hardware, sculptures, musique, installations…

Fonte de cire à l’atelier OpenBeeLab du Château d’eau de Bourges. DR.
Pierre-Grangé Praderas et les étudiants de l’atelier OpenBeeLab au Château d’eau de Bourges. DR.
Atelier fil à soie avec « CoSense » par Constanza Piña et Carolina Novella. DR.

Vous travaillez dans des fablabs ? Lesquels ? Comment le projet OpenBeeLab s’y articule ?

Quand je cherchais de l’aide au tout début, j’ai cherché un hackerspace sur Bordeaux et il n’y en avait pas, alors j’ai lancé l’appel et c’est devenu le « LaBx ». Aujourd’hui je suis artiste associé au fablab Coh@bit des IUT de Bordeaux. Le projet est bien accueilli dans ce fablab, comme pas mal de projets orientés écologie, ça nous permet de faire d’une pierre deux coups, du développement et de la pédagogie art et technologie par le faire, du niveau 3ème à Bac + 5 tous horizons mélangés.

Actuellement on essaye de voir si on peut installer un apiscope au fablab, une ruche d’observation inventée par Jean-Pierre Martin, enseignant de mesure physique à l’IUT de Bourges, et dont il équipe des classes de primaire avec son association « Abeilles etc… ». Globalement les abeilles sont un levier incroyable pour sensibiliser les gens à des questions aussi bien technologiques qu’artistiques et même auprès des publics les plus frileux puisqu’on accueille notamment des décrocheurs, des neets (pour Not in Education, Employment or Training, ni étudiant, ni employé, ni en formation, ndlr), des personnes en crise de confiance ou refroidies par leur mauvaises expériences avec le système scolaire.

Parlez-nous de l’école des Beaux-Hacks ?

Les Beaux-Hacks, ‘est un projet plus récent, c’est une sorte d’école sans murs, qui me sert à mener un enseignement artistique et technologique proche de ma culture hacker (au sens de Steven Levy). J’aide des artistes à passer aux logiciels libres, à reprendre le contrôle de leurs services, des fois à traverser un peu les censures numériques et surtout je les invite à développer des pratiques et des filtres de lecture artistiques liés à la révolution de l’information que nous sommes en train de vivre, plutôt que d’en être de simples consommateurs. C’est à prix libre, c’est ouvert à tous, pas qu’aux artistes et c’est environ une fois par mois.

Vous avez participé au programme d’ateliers et d’exposition Hall Noir des Rencontres Bandits-Mages de Bourges ? En quoi consiste Hall Noir ? Qu’avez-vous voulu mettre en place ?

Hall Noir est un moment d’expériences artistiques organisé par l’association Bandits-Mages et qui a lieu chaque années à Bourges. Ils m’ont invité à y mener un atelier dont le résultat a ensuite été exposé. J’ai eu la chance d’y encadrer une douzaine d’étudiants en art autour d’une magnifique ruche d’observation, l’apiscope prêté par l’association « Abeilles etc… ». Ça c’est passé à l’intérieur d’un château d’eau que l’on a partagé à trois groupes. C’est un moment très intense ou tout se mélange, le traitement de signal, la biologie des abeilles, des questions de grammaire, des essais de formes et de performances. Heureusement on a réussi à faire trace de tout ça à travers un fanzine, un wiki et une petite chaîne PeerTube.

Documentation des ateliers et du montage de l’exposition « PollinACTIONS » des Rencontres Bandits-Mages :

Des projets pour 2020 ?

Oui, réussir à remplacer les balances et autres capteurs de l’OpenBeeLab par des microphones, transformer notre expérience pédagogique au fablab en un diplôme universitaire, faire des expériences bizarres avec du son et des plantes pour la « linux audio conférence » qui aura lieu à Bordeaux, et j’espère une nouvelle messe transhumaniste au THSF.

En savoir plus sur l’OpenBeeLab et Bandits-Mages.