Essonne : la diagonale arts-sciences du festival Curiositas
Publié le 21 novembre 2019 par Guillaume Renoud Grappin
Du 7 au 17 novembre 2019 le festival Curiositas permettait de prendre connaissance des recherches menées par la Diagonale arts-sciences de l’Université Paris-Saclay. Tour d’horizon.
Au cœur de l’Espace Liberté, quelque peu défraîchi, de Massy, une installation vidéo sonore et odorante évoque l’histoire du plateau de Saclay, amenant le visiteur sous un champ inversé de Tanaisie, plante inutile et spontanée qui s’acharne à pousser encore au milieu des chantiers en cours…
Le plateau, soit la mutation d’un ancien marécage argileux en terrains agricoles très fertiles, avant de devenir le chantier titanesque du Cluster Paris-Saclay : 12 000 chercheurs, 60 000 étudiants et 23 écoles – dont la prochaine ENS-Saclay et sa Scène Recherches dédiée aux projets art-science – ayant vocation à réunir un quart de la recherche scientifique française autour d’une concentration inédite de grands groupes, de départements R&D et de Data Centers…
Cette évocation de la mémoire du plateau – par Anaïs Tondeur, artiste, Germain Meulemans, anthropoloque et Caroline Petit, ingénieure à l’INRA – illustre l’intention première de cette 5ème émanation festivalière de La Diagonale : l’animation d’un dialogue arts-sciences au sein de l’Université Paris Saclay.
Arts et sciences à Saclay
La tâche n’est pas mince : la culture et l’émulation arts-sciences restent les parents pauvres de cette ville nouvelle.
En effet, le programme de cette vaste utopie politico-universitaire sur près de 8000 hectares, mixant logements étudiants et sociaux, établissements prestigieux et équipements de loisirs – entendre sportifs – n’intègre pas à ce jour de nouveaux espaces dédiés aux formes artistiques hybrides, en résonance avec la multiplicité des champs de recherche du plateau.
Avec des moyens limités en contraste saisissant avec l’ampleur des investissements en cours, La Diagonale défriche donc elle aussi un terrain argileux, fertile mais encore sous exploité…
Douze collaborations entre artistes, chercheurs et scientifiques étaient pourtant présentées cette année au sein de l’exposition « au-delà des apparences ».
Félicie d’Estienne d’Orves, marraine de cette édition, a imaginé avec Fabio Acero – expert des supernovae au sein du département astrophysique du CEA Saclay – une modélisation 3D de la signature lumineuse de deux supernovae via deux plaques de verre soufflé à l’intérieur de cubes révélant leur ADN chimique (Light DNA).
Barthélémy Antoine-Loeff file la même métaphore avec Soleil Noir, une interprétation plastique permettant là aussi de visualiser l’invisible : le flux d’énergie dégagé par une explosion solaire.
A noter que cette transposition artistique qui fait partie du groupe d’œuvres Nos Météores réalisé par Barthélémy Antoine-Loeff, Marie-Julie Bourgeois et l’association Siana, sera à nouveau présentée à l’Université d’Evry en janvier prochain.
« Soleil Noir », Barthélémy Antoine-Loeff :
Ecologie des océans et champ des baleines
Outre l’espace et le cosmos – également investi par l’équipe de Labofactory avec Sky de Jean-Marc Chomaz, qui donne à voir le lent et poétique mouvement des nuages, et par Ikse Maître avec L’œil de Mars – l’océanographie était le second fil rouge de l’exposition.
Olivier Adam, spécialiste des cétacés à l’Institut des Neurosciences Paris-Saclay et Aline Pénitot, compositrice électro-acoustique, ont en effet croisé leurs recherches respectives à la faveur d’une rencontre à Madagascar (La réponse de la baleine à bosse).
D’abord intrigués par la proximité entre le timbre des chants des baleines à bosse et celui du basson, ils se sont amusés à mixer leurs enregistrements, jusqu’à ne plus pouvoir les distinguer malgré leur familiarité croisée avec leurs sonorités. Poussant plus loin cette résonance, ils nous font entendre, dans une installation présentant les différentes étapes de leur démarche, une interaction réalisée en voilier au large de la Réunion, où les baleines répondent au haut-parleur aquatique et semblent jouer avec ses séquences…
Autres aventures maritimes, les missions Rockall-Mingulay et STEP sur L’Atalante et la mission Acclimate ont embarqué des photographes et paléo-climatologues dans une campagne de carottages en eaux profondes remontant le temps à la recherche des climats du passé (Ils remontent le temps).
Cette dernière installation photographique illustrant cependant davantage l’apport d’un regard artistique au service de la médiation scientifique qu’un réel croisement art-science.
« Ils remontent le temps », lauréat « coup de pouce » 2017 de la Diagonale Paris-Saclay :
Bouge ton corps urbain
Parmi les ateliers et les spectacles proposés autour de l’exposition, il revenait à Ergonomics de rappeler l’enjeu urbain du plateau de Saclay avec sa « start-up innovante, n°1 du marché du design humain » (Rocio Berenguer et Elise Prigent).
Leur présentation – sous forme de conférence dansée participative – des standards du corps urbain et des attitudes de l’homo urbanistico erectus tentant de se faufiler au milieu de la Smart-City rappelait opportunément l’importance du décalage et du décentrement au delà des fonction de l’économie, de la mobilité, de l’habitat et des loisirs.
Présentation d’Ergonomics de la Compagnie Pulso :
Une adresse aimable et bienvenue aux aménageurs à l’œuvre dans l’édification du Cluster…
Le Festival Curiositas fait partie de la communauté Exoplanète Terre qui regroupe une dizaine de structures culturelles en Île-de-France et leurs programmations arts&sciences.