Pour célébrer le 8 mars, journée internationale pour les droits des femmes, le collectif Roberte la Rousse a choisi d’attaquer de front l’Académie française en saisissant l’institution pour lui demander d’adopter une révision radicale et simple de la langue française. Pour « répondre au dédain de l’Académie française à l’égard des écrivaines, et plus généralement des locutrices francophones », ce collectif fondé par Cécile Babiole et Anne Laforet, deux artistes et chercheuses dans le champ des nouveaux médias, propose dans une lettre ouverte une « révision de la langue française mettant en œuvre sa féminisation », un « projet de simplification qui règle une fois pour toutes la controverse actuelle sur l’écriture inclusive ».
Le principe est simplissime : il n’y a plus qu’un genre grammatical, le féminin. Grâce à des algorithmes corrigés à la main, Roberte la Rousse a développé des règles et outils de traduction « en française ». Ce projet de « décolonisation de la langue française » entend « contrer la sexisme inscrite à la cœur de la langue française et de sa grammaire puisque, comme nous l’avons toutes apprise à l’école, “la masculine l’emporte toujours sur la féminine” » Concrètement : « “Les Immortels auront-ils le culot d’élire un homme de nouveau ?” devient en française : “Les Immortelles auront-elles la culotte d’élire une homme de nouvelle ?” »
Et la lutte se fait techno : « L’histoire de la genre linguistique ne s’est pas faite seulement par l’usage des locutrices, elle est surtout la résultat d’une lutte idéologique (incarnée par l’Académie française puis prolongée de manière implicite par les Gafa) pour imposer la primauté de la masculine à la détriment de la féminine et pour invisibiliser et discriminer les femmes dans l’espace sociale. Les formes de sexisme et de discriminations à l’œuvre dans les relations sociales et inscrites dans la langue sont logiquement présentes dans les outils numériques utilisées à la quotidienne, en particulière sur Internet : motrices de recherches, plateformes et réseaux sociales… »
Roberte la Rousse s’était déjà illustrée lors d’une performance à la Gaîté lyrique dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle avec A votée, traduction « en française » d’une nouvelle de SF d’Isaac Asimov.
«A Votée» (extrait) en française par le collectif Roberte la Rousse:
Le collectif espère bien obtenir une réponse officielle de l’Académie française. Même si cette règle de féminisation de la langue française joue de l’humour, elle n’en est pas moins sérieuse sur le fond. « Cette littérature “en française” produit aussi une certaine humour en dévoilante à l’improviste, comme une lapsus, l’origine ou la parenté de mots ou d’expressions, par exemple : {Le cours du bitcoin est influencé par différents facteurs} devient en française : “La course de la bitcoin est influencée par différentes factrices”… »
Roberte la Rousse voudrait se faire entendre de l’Académie française en alertant les médias par un communiqué de presse rappelant la coïncidence de la journée des droits des femmes le 8 mars avec l’élection d’un nouvel académicien au fauteuil d’Alain Decaux : « A ce jour, sur dix candidats, deux seulement sont des femmes. » Pour mémoire, sur 34 immortels, 4 seulement sont des femmes (Hélène Carrère d’Encausse, Florence Delay, Danièle Sallenave et Dominique Bona). La première immortelle à siéger à l’Académie française, Marguerite Yourcenar, avait été élue en 1980… quand l’institution de défense de la langue française a été créée par Richelieu en 1635.
Lire la lettre ouverte à l’Académie française de Roberte la Rousse