Une drôle d’alchimie est à l’œuvre à la Paillasse, où se tiennent les ateliers Open Source Body. Le matériel ouvert pour la santé y est disséqué et hacké, de l’écho-stéthoscope sonifié au thermocycleur «perturbé».
Qu’est-ce qui se mitonne dans les ateliers du festival Open Source Body toute la semaine à la Paillasse à Paris ? La premier festival organisé par Makery (du 22 au 27 janvier) repousse les frontières du matériel ouvert pour la science en invitant artistes, hackers et scientifiques à expérimenter ensemble, sur un coin de table ou autour d’un dispositif portable à bas coût. Focus sur deux de ces ateliers qui tentent de sonifier et augmenter ces dispositifs.
Du son de la sonde
En sous-sol de la Paillasse, le biohacklab parisien, le travail autour du projet Unborn0x9 mené par l’artiste Shu Lea Cheang à partir de l’écho-stéthoscope open source développé par Echopen est entré dans sa phase sonification.
Jérôme Dubois d’Echopen, le fablab de l’Hôtel-Dieu à Paris, a reproduit une « maquette » du ventre d’une femme : un bébé en figurine 3D est plongé dans un aquarium, l’environnement aqueux jouant le rôle du liquide amniotique qui permet une continuité acoustique avec la sonde échographique. Par le biais d’un transducteur plongé dans l’eau qui sert d’émetteur-récepteur, les données échographiques du bébé sont récupérées pour produire une image et rendre audible les fréquences ultrasoniques captées. Le tout compose la base d’un programme logiciel musical spécifique qui sera activé lors de la performance audiovisuelle présentée samedi soir à la Gaîté lyrique par les deux artistes sonores Joachim Montessuis et Gaël Segalen.
« Nous récupérons le plus de données possible de l’analyse acoustique et les mettons ensuite dans une table d’ondes, une sorte de sampler, afin de les tester et de les intégrer au logiciel que nous sommes en train de développer », explique Benjamin Cadon, qui s’attelle à cette tâche pas simple – du fait de la saturation d’informations procédant de la circulation de données – avec Guillaume Brunet, membre comme lui du Labomedia d’Orléans.
L’objectif, c’est qu’une identité sonore soit définie pour chaque type de grossesse scénarisée (de la grossesse non désirée au déni de grossesse). « Toutes ces simulations nous ont permis de travailler sur des petits composants. On va les mettre en commun dans un programme, un véritable instrument de musique avec une interface graphique permettant de modéliser différents paramètres qui seront ensuite donnés aux artistes en vue de leur performance », ajoute Benjamin Cadon.
Arsenal d’outils DiY
Si le dispositif de sonde échographique du projet Unborn0x9 a l’avantage de s’appuyer sur un instrument de mesure bien précis, une latence supplémentaire est offerte aux participants de l’atelier « Open Science Friction and Noise Disturbance » mené par la performeuse et chercheuse transhackféministe Paula Pin de Pechblenda, au rez-de-chaussée de la Paillasse, avec le réseau international Hackteria. Ici, c’est un véritable arsenal d’objets scientifiques et/ou artistiques, détournés, décomposés, réaffectés qui sert de levier à un exercice pratique à la lisière de l’art et de la science. La thématique du workshop était d’ailleurs ainsi annoncée : « Perturbations noiSEX à partir des outils DIWo, fluides et corps non statiques. »
« C’est un lab temporaire où les directions sont ouvertes », résume le micro-ingénieur suisse Urs Gaudenz (GaudiLabs), en présentant son travail connectant son kit Open Theremin et une microbalance à cristal de quartz (MCQ), conçue en mode DiY à partir d’un Arduino, basée sur les propriétés piézoélectriques du quartz pour quantifier de très faibles variations de masse. « On veut réfléchir à cette idée de zone de friction entre science et art, une combinaison qui peut également être ouverte, comme l’indique le terme noise disturbance, à une forme de combinaison entre science et musique. »
De fait, les mentors de l’atelier ont mis à disposition des participants un grand nombre d’objets ou de matières pouvant être hackés pour concevoir de nouveaux dispositifs scientifiques : des disques durs utilisés comme centrifugeuses, des essences boisées aux propriétés antiseptiques susceptibles d’être distillées pour en retirer la substance active, des lentilles de webcam démontées et remontées à l’envers afin de créer une amplification visuelle permettant la fabrication d’un microscope à bas coût…
La création d’incidences sonores ou de nouveaux dispositifs n’est d’ailleurs pas la seule perspective de cet atelier décidément très ouvert, puisque des explorations esthétiques sont également permises, comme le montrent les déclinaisons mobiles de thermocycleurs revisités par Paula Pin et Urs Gaudenz. Ces machines PCR permettent de sélectionner et d’amplifier un fragment d’ADN et sont couramment utilisées pour diagnostiquer des maladies génétiques, virales ou bactériennes. Elles servent aussi pour les tests de paternité. Dans leur version à la Paillasse, elles sont non seulement bon marché mais aussi très design.
Restitution des ateliers Open Source Body le 26 janvier à partir de 19h à la Gaîté lyrique (entrée libre)
En savoir plus sur le festival Open Source Body, du 22 au 27 janvier