Makery

L’écologie sur des roulettes

Le Montréal Bamboo Cycle, un vélo à trois roues urbain, a été prototypé pendant l'Eco2fest, à Montréal, en août 2016. © CC by Marc-André Léger

Au Forum social mondial à Montréal cet été, Marc-André Léger et son équipe du makerspace District 3 ont prototypé en quatre jours un vélo cargo en bambou pour la ville. Les plans open source du Montréal Bamboo Cycle seront bientôt en ligne.

Fabriquer un vélo cargo urbain et écolo… en bambou. C’est le défi qu’a relevé cet été Marc-André Léger, du makerspace District 3 de l’université Concordia, avec le Montréal Bamboo Cycle, dans le cadre du festival Ecosphere, qui se tenait pendant le Forum social mondial à Montréal, du 9 au 14 août. 

Marc-André Léger, enseignant et maker engagé (on vous en parlait ici), a réussi son pari en préparant bien en amont ces quatre journées folles. Contacté par Ouishare à l’été 2015 pour imaginer l’un des projets concourant au prototypage « en direct » de « conception écologique collaborative » de l’Eco2fest (un remake de POC21), il embarque dans la conception du vélo à trois roues ses étudiants et collègues, façon de faire connaître le makerspace de District 3, le centre d’innovation de l’université Concordia, où il est chargé du cours « How to make almost anything » inspiré du MIT – le lieu, pourtant ouvert au public et gratuit, est encore méconnu et peu fréquenté.

Le prototype du vélo cargo réalisé dans le cadre d’Eco2fest. © CC by Marc-André Léger

Après une phase de documentation sur le Web, Marc-André Léger, qui n’a jamais réussi à convaincre sa femme de partager sa passion pour le vélo, cherche une solution économique et écologique qui s’inspirerait du triporteur cargo du fabricant danois Christiania. Il choisit le bambou pour ses qualités « écologiques et biodégradables ». La matière est à la fois « solide et flexible » et peut être cultivée localement. Avec son équipe de Concordia, il travaille pendant l’année universitaire au design thinking (les besoins du vélo, le poids, la dimension…) et à la constitution du dossier de candidature, jusqu’à la nouvelle de la sélection, le 7 juillet 2016. 

Préparatifs

En mai, Marc-André Léger trouve les fournisseurs de matières premières : du chanvre, de l’époxy, du bambou. Par prudence, il évalue à la hausse toutes les dimensions et quantités de matériaux. Quelques jours avant le festival, il passe une double commande de tiges de bambou, à Singapour et San Francisco. Il imprime aussi à l’avance quelques pièces d’assemblage et de jonction pour le vélo en PLA biodégradable. Le 4 août, il fabrique un premier cadre de vélo dans son atelier.

Juste avant le concours, le premier cadre de vélo en bambou sort de l’atelier. © CC by Marc-André Léger

Prototypage accéléré

Il faut dire que l’Eco2fest demande une bonne dose d’adrénaline et de préparation : la petite équipe (ils seront cinq à se relayer) de Montréal Bambou Cycle dispose de quatre jours de prototypage accéléré pour concevoir son premier triporteur urbain en bambou.

La veille du cyclo-bricolage, ils installent l’atelier et les outils dans le parc Jarry. Les choses sérieuses commencent le 9 août, avec un ultime brainstorming : les participants se mettent d’accord sur les plans, qui évolueront en fait très vite. Ils commencent le découpage des tiges de bambou : le vélo est sur mesure, adapté aux mensurations de la femme de Marc-André Léger. Dès le montage du cadre commencent les premiers ajustements. Impossible de monter simultanément les parties avant et arrière du vélo, comme le prévoyaient les plans : la structure, trop complexe, ne tient pas droite. Il faut donc opérer séparément.

Montage du cadre par François Bujold de District 3. © CC by Marc-André Léger

Les tiges de bambou, reliées par les joints imprimés en 3D, sont assemblées et entourées de fibre de chanvre (dont la culture est autorisée au Canada) puis trempées dans de la résine d’époxy de manière à faire un ciment de chanvre. Pour le compresser, les makers l’enroulent de ruban, puis le retirent et assemblent les deux parties du cadre.

Marc-André Léger avec les parties avant et arrière du cadre. © CC by Marc-André Léger
François Bujold retire la surface qui protégeait le chanvre. © CC by Marc-André Léger
Les deux parties du cadre reliées. © CC by Marc-André Léger

Le 12 août, l’équipe installe tous les composants : la selle, le jeu de pédalier, les roues. Et c’est la première demi-heure de test de route. Défi réussi : il roule !

Durant le week-end, le vélo est présenté au public, et sort encore les 20 et 21 août à la Grande fabrique d’Hochelaga. Les plans, eux, sont en cours de finalisation : « Ils seront bientôt en open source », promet Marc-André Léger.

Une partie de l’équipe des concepteurs du vélo : François Bujold, Alexis Paszkier et Marc-André Léger. © CC by Marc-André Léger

Et après ?

Marc-André Léger a déjà en tête quelques améliorations : « Ma femme fait 1m50, les roues sont trop grandes pour elle », tout comme la boîte cargo, dont il voudrait réduire les dimensions, et les essieux, qu’il souhaiterait plus rigides. Et testera ensuite le vélo au moins deux mois sur la route pour en éprouver la résistance et la sécurité.

Mais le gros du projet, c’est le lancement en 2017 d’une entreprise d’économie sociale, qui emploierait des réfugiés et des travailleurs handicapés. A partir de la mi-avril, « la saison canadienne du vélo », il y vendrait des vélos sur mesure, un modèle de route et un vélo cargo. Et, prévoit-il, « pour chaque vélo produit, un vélo classique sera offert à un enfant du quartier ».

En savoir plus sur le Montréal Bamboo Cycle, télécharger les pièces sur Thingiverse

La page Facebook du projet