Makery

La manette Nintendo à jouer des samples de Benjamin Gaulon

Benjamin Gaulon bricole pour Makery. © Elsa Ferreira

Makery, partenaire de la websérie «Fais-le toi-même!», vous propose d’aller plus loin avec les tutos des makers présentés sur Arte Creative. Au tour de Benjamin Gaulon de partager son sampler fabriqué à partir d’une manette Nintendo et d’un Arduino.

Si Benjamin Gaulon joue parfois avec la ligne jaune, c’est pour la bonne cause. Partisan du critical making, l’artiste recycle nos déchets électroniques et numériques depuis une quinzaine d’années, sous le pseudo Recyclism. Son approche critique s’est construite en partie en réaction au partenariat financier scellé en 2012 entre les publications O’Reilly, qui éditent Make Magazine, et l’agence du département de la défense américaine Darpa, explique-t-il. « Make Magazine a attrapé le mouvement maker au point que ça devienne presque eux », regrette-t-il.

Les hackers ont toujours attiré l’attention (et les financements) de la défense américaine (souviens-toi le MIT), mais la nouvelle passe mal. Figure du mouvement, Mitch Altman annonce qu’il se retire de l’organisation de la Maker Faire. Au Canada, Garnett Hertz lance un appel pour publier un livre sur le critical making, en directe filiation du lab créé par Matt Ratto à Toronto pour penser et construire le making critique. Artistes, makers et chercheurs signent alors textes et tutos pour parler d’un mouvement maker plus politique, critique et soucieux de l’environnement. Celui de Benjamin Gaulon portera sur « Le hacking de matériel et les stratégies de recyclage à l’ère de l’obsolescence technologique ». Un sujet qu’il connaît bien puisqu’il a tenu de 2011 à 2013 le Recyclism Hacklab à Dublin. Revenu à Paris à partir de 2014, il poursuit sa tâche de recycleur en tant que directeur de programmes art, techno et design à la Parsons School of Design

Le texte de Benjamin Gaulon pour «Critical Making» (capture écran). © DR

E-déchets 

On lui doit ainsi la première déchetterie numérique en ligne, digitalrecycling.com, « une sorte de Pirate Bay » où les gens viennent déposer leurs rebuts textuels ou visuels, en espérant que les déchets des uns fassent le bonheur des autres. Le site lui-même est désormais en jachère – vestige d’une autre époque, Flash et pop-ups inclus. On peut néanmoins toujours y accéder et télécharger ce que les autres apparemment ne voulaient plus : le premier chapitre d’un livre qui débute sur l’éthique hacker du travail et Linus Torvalds, des photos de fesses, des bruitages… « Un déchet est un objet qui n’a plus de valeur, plus de propriétaire. Comme je suis très intéressé par les notions de propriété intellectuelle, je me suis dit que si les samples sont du recyclage, j’allais faire un centre de traitement des remixes, une base de création pour d’autres projets. »

On lui doit aussi quelques happenings urbains, comme sa machine LSD, pour Light to sound device, qui transforme la pollution visuelle en agression sonore, ou son outil pour hacker les signaux de caméras non protégées grâce à « un appareil trouvé sur un site d’espionnage un peu chelou ».

«Sonic Graffiti», Benjamin Gaulon, Paris, 2012:

Manette à samples 

La RES (pour Recycling Entertainement System, clin d’œil à la NES, la console mythique de Nintendo), plus ludique, a été créée pour la première fois en 2004, « avant Arduino », précise Benjamin. Il bidouille avec son professeur d’électronique de l’époque un circuit à partir d’une puce Atmel. « J’étais aux Pays-Bas sur un marché itinérant d’électronique. Je suis tombé sur un sac de vieilles manettes Nintendo. C’était pas cher, alors je les ai achetées. » Il invente même un système de partition, sorte de Guitar Hero avant l’heure. L’année suivante, il présente sa création au festival d’art, sciences et technologie Sonic Act. « Ça a super bien marché. A une époque où les performance de musique électronique se résumaient souvent à des gens derrière leurs ordis, j’ai aimé le côté physique de l’expérience. Tu pouvais observer des phénomènes de groupes, avec des participants qui s’improvisent leader. » En 2011, il refait le projet sur Arduino et met les plans en open source. La RES Mini est née.

Démo de la RES Mini par Benjamin Gaulon, juin 2016:

Peu de variantes ont, à sa connaissance, vu le jour. Pourtant, suggère Benjamin, un développement sur Raspberry Pi permettrait de supprimer l’utilisation de l’ordinateur, indispensable pour cette version. Et les artistes pourraient créer et partager leurs librairies de samples. En attendant, sa RES Mini permet quelques bonnes dizaines d’heures d’exploration : plus de 1 000 samples (à la propriété bien floue), à jouer à la manette. Hautement addictif. Suivez le guide.

Matériel

– Une manette NES (on en trouve aux environs de 5€ en ligne) ;
– Un Arduino ;
– Un câble USB type B ;
– Un fer à souder ;
– Les logiciels Arduino, XQuartzPure Data Extended et le Resware, développé par Benjamin Gaulon (télécharger ici le fichier .zip), tous open source (et donc gratuits).

Fabrication

Benjamin Gaulon à l’atelier de l’école Parsons Paris. © Elsa Ferreira

– Couper le branchement de la manette et souder les fils en suivant le plan ;

Le câble d’alimentation à couper. © Elsa Ferreira
Le plan du circuit Arduino (capture écran du manuel RES, ici en PDF). © DR

 
– Importer le code développé par Benjamin Gaulon (à récupérer sur cette page sous le lien « source code for Arduino ») sur Arduino puis « téléverser » ;
– Installer XQuartz puis Pure Data Extended ;
– Brancher la manette et choisir le Comport (le port de communication) correspondant ;

Choisir son comport (capture écran). © DR

– Si vous n’avez choisi qu’une manette, mettre les deux autres en mode muet. Vous pouvez aussi enlever les contrôleurs 2 et 3 du code.

– Choisir sa librairie ; jouer.

Choisir la librairie souhaitée dans les dossiers Controller 1, 2 ou 3 (capture écran). © DR

Le site de Benjamin Gaulon et le manuel de la RES

Retrouvez la série «Fais-le toi-même», par Adrien Pavillard et Camille Bosqué, sur Arte Creative