Il n’y avait pas que Jeanne d’Arc et Emmanuel Macron ce week-end à Orléans. Pour la 32ème édition de la Fête01, Labomedia proposait de réassembler les bases de nos interfaces avec le genre informatique, l’autre humain, la nature et le monde inanimé.
Orléans, envoyé spécial
Toute la France attendait ce week-end de voir Emmanuel Macron serrer la main de Jeanne d’Arc à l’occasion des traditionnelles Fêtes johanniques d’Orléans et se lancer dans de grandes envolées lyriques sur le « destin d’une seule qui peut changer la France ». Le ministre de l’Économie osait même des parallèles hasardeux avec les défis que le pays doit affronter comme la grande transformation numérique ou le changement climatique. Défi relevé, d’une certaine manière, par la traditionnelle Fête01 de Labomedia qui proposait un vaste programme condensé en une seule journée, le 7 mai, autour d’ateliers pour petits et grands, de conférences et performances, de spectacles et d’installations pour croiser le biologique et le numérique, le vivant et l’inanimé.
En marge des Fêtes officielles, Labomedia offre chaque année une alternative au marché médiéval et autres parades des politiques, militaires et gens d’Eglise. Avec son humour résolument underground et ses propositions musicales nettement plus pimentées que la scène électro de la mairie, Labomedia a réussi à ancrer sa fête annuelle des 0 et des 1 (numériques) dans le paysage.
Une fête ludique et maligne
Le labyrinthe de l’ancienne chocolaterie du 108 rue de Bourgogne, lieu municipal dédié à l’expérimentation culturelle, fourmillait de micro-ateliers, expositions, installations, sprints et « airhackatons ». On pouvait croiser dans les couloirs le Fanfaronic Caddie du Blixlab, des enfants pris d’une Gambiarra-mania de démontage de vieilles machines, à l’initiative de la Recyclerie AAA et du Café des Enfants, les participants sortant de l’atelier de création de monnaie locale Agglor ou encore le Laboratoire d’études sampliques.
Le Fanfaronic Caddie du Blixlab:
Les contes de la Silicon Valley
Olivier Morvan, de retour de la Silicon Valley, proposait une exposition labyrinthe, La Maison tentaculaire, inspirée de la maison Winchester construite à la fin du 19ème siècle par Sarah Winchester, héritière de la Winchester Repeating Arms Company, afin d’héberger les âmes errantes des morts par balle de la conquête de l’Ouest. Cette bâtisse labyrinthique construite sans architecte ni plan durant quatre décennies est aujourd’hui un passage touristique obligé de la Silicon Valley. L’occasion pour l’artiste de développer, entre documentaire et fiction, un projet protéiforme qui traverse le siècle et nous parle (entre autres) de fantômes, de labyrinthes, de colonisation, d’entertainment et de notre rapport aux nouvelles technologies. Un projet qui sera exposé à l’Eternal Gallery de Tours à partir du 9 juin.
La maison Winchester au milieu de la Silicon Valley:
Perspective résolument verte
La conférence de l’après-midi n’hésitait pas à s’étaler sur 4 heures avec un programme dense, introduit par Julien Bellanger de Ping comme résolument « phyto-perspectiviste ». Après avoir présenté la plateforme de coopération Artlabo et le programme 1.camp, un focus particulier a été fait sur les résidences d’artistes que l’auteur de ces lignes a organisées en avril à la Station biologique de Roscoff, un laboratoire universitaire de recherche en biologie marine.
Résidence à la Station biologique de Roscoff (bande-annonce) :
Robertina Šebjanič, bioartiste et artiste sonore de Slovénie, tout juste récompensée d’une mention honoraire Ars Electronica dans la catégorie « arts interactifs » pour son projet Aurelia 1+Hz : proto viva sonification, présentait ses travaux en résidence à Roscoff. Elle développait notamment les possibilités de construire des « jardins chimiques » évoquant les origines de la vie et comment son projet avait pu intéresser le département astrobiologie de la Nasa.
On a écouté avec plaisir Isabelle Carlier sur son expérience écosexuelle au Earth Lab de Santa Cruz (dont elle nous avait parlé dans Makery) et Chloé Lequette sur ses expériences en design et biomimétisme et sa participation à POC21 (dont nous vous avions largement parlé) avec le projet Nautile de ses amis Guillian Graves et Michka Mélo.
Robertina Šebjanič et Jérémie Bordelot ont également présenté les résultats d’une semaine d’atelier de fabrication de sphères d’écosystèmes clos à l’Atelier du coin. Ces sphères hermétiques sont censées maintenir à l’infini des écosystèmes. Les deux biohackers souhaitent en construire une série et les monitorer par capteurs électroniques pour suivre leur évolution à distance.
En soirée, la Fête01 prenait un clair tournant expérimental et festif, avec le live subaquatique de Šebjanič, la poésie sonore informatique et engagée de B2lNgr et Olivier Baudu, les drones hypnotiques de Simon Deterne et les sets bruts de dance-floor de Extra-Tourist ou DJ Souplesse.
Un rendez-vous toujours aussi convivial et chafouin organisé par ces historiques du hacking et du making bien ancrés dans leur capitale du Val-de-Loire.