La ludothèque du futur est nomade et libre
Publié le 22 janvier 2016 par DCALK (Paris/Bruxelles)
À contrepied du sacro-saint Noël, Dcalk avait mijoté en décembre une première sélection de jeux libres pour Makery. Pas question d’attendre de revoir vos chaussons sous le sapin pour une nouvelle chronique de la scène indé et maker du jeu!
Ludothèque Noire
À l’origine de l’association Dcalk en 2011, un jeu de société fait maison : Borgia, le jeu malsain. C’est au cours de cette aventure (la création et diffusion d’un jeu pour adultes aux éditions Les Chiens de l’Enfer) que ses membres rencontrent d’autres auteurs et éditeurs à l’esprit canin. Les ricanements et échanges de boîtes allant bon train, nous voilà vite avec une belle collection de jeux impertinents : la Ludothèque Noire. Plutôt que de faire la promo de « notre Borgia » dans les festivals, nous choisissons de faire la part belle à ces projets trop souvent invisibles, valise à roulettes à la main.
L’émergence du Print’n Play
Si la collection de jeux grinçants de la Ludothèque Noire s’étoffe, ce n’est pas nécessairement dans des proportions volumineuses. Dès 2013, elle accueille des jeux en Print’n Play (imprimés et joués). Autrement dit des fichiers numériques, allant du format PDF pour un jeu de cartes à imprimer et découper, au format STL pour un jeu de plateau à fabriquer après quelques heures d’impression 3D.
Des premiers échanges de fichiers sur le forum BoardGameGeek en 2005 au Deepsea Desperation édité chez TerrorBull Games en 2010, le Print’n Play est devenu un terrain de jeu pour auteurs de concepts ludiques, pour designers, communauté de joueurs, illustrateurs, activistes, artistes, makers, etc.
Du prototype à l’édition classique, de l’échantillonnage « promo » aux créations non-marchandes sous licence libre, de nouveaux formats de (re)production du jeu de société s’inventent… Adieu valise, bonjour clé USB.
Ludothèque numérique
Et si la ludothèque de demain ressemblait à une collection de fichiers contenue dans une clé USB ? L’idée ne paraît pas si saugrenue ; on pense à l’essai de Henri Warwick Radical Tactics of the Offline Library, ou, plus récemment, au rapport de Frédéric Martel, L’écrivain « social ». La condition de l’écrivain à l’âge numérique, qui pointe les premières Bibliotech… sans livre.
D’une idée jetée lors du Festival des jeux de Saint-Herblain en 2014, alors que Dcalk fait sa toute première Print Party (de jeux de société open source, imprimés avec une Tobeca, cousine de la Foldarap), naît la Ludobox. Une ludothèque de fichiers numériques libres, accessible via un réseau wifi, offline. On n’est pas allés chercher bien loin, la Piratebox et la Bibliobox ont ouvert le chemin. Autant contribuer à la généalogie de projets inspirants.
Bidouilleurs, veilleurs, curateurs
Après une phase test sur un routeur wifi dédié et un travail de veille continue, la version démo est prête à circuler début 2015. Le chantier prescription et classification reste néanmoins grand ouvert, il nous faut inventer un système pour ces fichiers glanés ou partagés, qui diffère de la nomenclature valide en ludothèque.
À ce jour, la Ludobox rassemble une soixantaine de jeux (jeux de carte, jeux de plateau, jeux urbains, jeux de rôles, jouets), des plans (boîtes de rangements, playground DiY), ainsi que des publications (manuels sur des logiciels, guides sur les licences libres, essais sur la culture maker ou la counter-gamification, où il est plutôt question de révéler et critiquer les mécaniques de jeux).
Des expériences pilotes (de l’implémentation du dispositif au partage de fichiers avec des Bibliobox) ont été menées en médiathèque (Saint-Herblain), en fablab (Nantes), en Espace public numérique (Indre), dans une maison des jeux (Tours), une bibliothèque (Bruxelles), le musée du jeu (Issy-les-Moulineaux) et même une école de design (Barcelone). En attendant la sortie d’une Ludobox 1.0 en 2016 !
Troisième lieu
« La smart curation est l’association des ingénieurs et des saltimbanques, des machines et des humains, des chiffres et des lettres », nous dit Martel. Le processus est visible sur la Toile, mais à quoi ressemblerait la smart curation dans l’espace physique ? Peut-être à des tiers-lieux ? Ou à une Maker Library qui expérimente la réunion de différentes fonctions : faire, montrer, débattre.
Déployer une Ludobox « en dur », en voilà un beau défi ! Une chose est sûre, c’est que la ludothèque de demain ne se fera pas sans pions ni dés, sans machines ou devices, sans joueur-euse-s ni ludotechnicien-ne-s.
Makery ouvre ses colonnes virtuelles à l’association DCALK qui fait la promotion du jeu en tant qu’objet culturel. Retrouvez leur précédente chronique par ici.
Prochain rendez-vous : la Ludobox est présentée le 31 janvier au rassemblement de développeurs pour l’open source Fosdem à Bruxelles dans le cadre d’Open Game Development