Ils étaient une trentaine les 6 et 7 juin à répondre à l’appel de Woot Devices, un atelier ouvert de bidouille autour des cartes programmables, proposé par la BlackLoop et le Jardin D’Alice à la Caserne de Reuilly. Makery y était.
Le Woot Devices, deuxième du nom, n’est pas un hackathon, mais n’en a pas moins été studieux et productif. Alors que le climat se prêtait aux jeux de plages, samedi 6 juin vers 10h30, trois groupes étaient déjà à l’œuvre dans la salle des fêtes du Jardin d’Alice à la Caserne de Reuilly, pour « agiter tranquillement (leurs) neurones autour de la créativité embarquée et de la connectivité créative ». En évidence trônait un stock de cartes de programmation rouges, achetées pour l’occasion au fabricant bulgare Olimex, parmi lesquelles l’équivalent d’un gros Raspberry Pi (l’Olimexino) et le module ESP8266, vendue comme une puce wifi mais qui est équipée d’un microcontrôleur.
« Nous voulions faire découvrir ce matériel pour des raisons éthiques, explique Vincent Roudaut, dit Barzi, membre du collectif BlackLoop. L’environnement est plus ouvert qu’Arduino ou Raspberry, les prix sont compétitifs et qui plus est, c’est européen. »
Vers midi, les premiers groupes avaient été rejoints par une petite foule dans la salle fraîche, bien agencée et câblée. Une trentaine de participants motivés et présents quasiment tout le week-end, jusqu’à tard le soir.
Pourtant, le Woot Devices n’a rien d’un événement très grand public, conformément à la réputation de compétences des organisateurs –le Jardin d’Alice, qui accueille dans ses locaux la BlackLoop et DataPaulette. « Nous avions communiqué de manière raisonnée, car nous ne voulions pas passer trop de temps à faire de la montée en compétence », reconnaît Fred Menez, un des organisateurs. Le cas échéant cependant, chacun s’est prêté à vulgariser avec sympathie.
Le format libre et non compétitif de l’évènement a vu émerger trois catégories de projets. Les plus légers avaient vocation à améliorer le hackerspace. Certains participants étaient venus avec leur proto sous le bras pour partager et questionner, comme Amory, étudiant à l’ENSCI, et son élégant boîtier d’affichage en LEDs à base de carte WeIO. C’est Maurin Donneaud, designer chez DataPaulette, qui l’a aidé pour la partie électronique. Enfin, l’étude des cartes Olimex a pris un cours de plus en plus fiévreux au cours du week-end.
Mathieu Naslin, ingénieur spatial, était venu avec un babyphone qu’il avait associé à un bracelet. Ledit bracelet, porté par l’un des parents, permettrait de ne pas réveiller l’autre. Comment transmettre les pleurs de bébé par Bluetooth (afin d’éviter de soumettre le nouveau-né au wifi) sans risquer une coupure ? L’ingénieur a pu profiter de Woot Devices pour choisir la carte la plus appropriée pour la réception des données sur bracelet. A l’issue du week-end, il avait mené une batterie de tests lui permettant de proposer rapidement le proto sur Kickstarter.
Toujours dans la catégorie transmission par Bluetooth, Cédric Honnet et Gabriel Pettier, respectivement ingénieur électronique et informatique chez Tangible Display, ont mené des tests de portabilité pour Twiz, un ensemble de microcapteurs de mouvement sans fil auto-alimentés.
Pour améliorer le quotidien du hackerspace, tout en préservant la préoccupation des occupants du lieu en matière de protection des données personnelles, les cartes programmables ont servi à créer des serveurs locaux pour partager la musique et des bornes locales de partage de données par USB.
De fait, il y avait du niveau. Un cours improvisé aborda les cartes FPGA, sorte de transistors programmables qui permettent de fabriquer un processeur. Quand la bidouille fricote avec la loi de Moore… Certains visiteurs attirés par le jeu vidéo planchaient pour apprendre à faire tourner des émulateurs sur des cartes. Le prochain rendez-vous public du hackerspace pourrait d’ailleurs tourner autour de la création d’une borne d’arcade à l’aide de ces micro-ordinateurs.
A mesure que le week-end avançait, de plus en plus de participants s’affairaient sur l’une des trois cartes Olimex, en l’occurrence la puce wifi. Pour Emilien Ghomi, designer d’interaction et membre de la BlackLoop : « quand on configure le micro-contrôleur de cette puce à 5 euros, il est 10 fois plus rapide qu’un Arduino et sa puce wifi à 45 euros. Nous avions eu des difficultés pour l’utiliser il y a six mois quand il est sorti. On peut désormais le programmer avec le logiciel Arduino. »
Fergus (BlackLoop) avait proposé d’héberger un wiki pour documenter l’avancée des travaux sur l’un des équivalents de Raspberri Pi chez Olimex. La carte lui a cependant résisté une journée entière, distractions d’organisation obligent. Le commando de codeurs et d’électroniciens n’a rien lâché pour achever les tests dimanche soir… et le wiki existait bel et bien au terme du week-end, accessible bientôt sur le site de Woot Devices.
Pour accompagner cette « hackfête aux petites machines programmables », la convivialité était de mise, avec deux fameux barbecues pour une participation modique, qui ont permis de découvrir l’univers multi-culturel du Jardin d’Alice et de ses voisins comme la Gare XP. Une manière aussi de conjurer le calendrier : les collectifs et associations présentes à la Caserne de Reuilly doivent céder la place fin août pour des travaux de construction de logements sociaux.
Mais comme l’affirme Anastasia (Jardin d’Alice), « notre collectif en auto-gestion est par nature nomade et compte près de 5.000 membres. » Un chiffre que doit connaître la ville de Paris, qui a promis de trouver d’autres locaux à l’association… En attendant, la vie continue à la Caserne qui organise son Poop (Portes ouvertes ou pas, Makery rendait compte en 2014 de la première édition), les 13 et 14 juin.
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