A la réunion de famille des labs du Grand Est
Publié le 24 septembre 2014 par Quentin Chevrier
Quelque trente participants se sont retrouvés le 13 septembre à Nancy autour de litres de café pour débattre de sécurité, des liens entre fablab et art, de modèle économique, d’outils et de logiciels…
(Nancy, envoyé spécial)
Atmosphère détendue pour une ambiance studieuse à la première réunion des labs du Grand Est qui s’est tenue le 13 septembre dans les locaux du Lorraine Fab Living Lab, à Nancy.
Un évènement Do it Yourself
A 9 heures, les tasses de café se remplissent, on se retrouve ou se découvre. Rapidement, Cédric Bleimling et Loic Fejoz, membres du NYBICC (Nancy bidouille construction création, le makerspace co-organisateur de cette rencontre), dévoilent le programme : un tableau blanc avec un agenda de la journée… entièrement vide.
« C’est un barcamp. Vous connaissez le principe ? Chacun propose des sujets de discussion, et on remplit les cases du programme ensemble. Quand toutes sont remplies, on commence. » Les propositions de sujets fusent, aucune n’est franchement rejetée. Modèle économique des labs, documentation et partage, outils et ressources, sécurité dans les labs… beaucoup de sujets sont des classiques de ce type d’événements. Quelques originalités bienvenues viennent compléter le tableau : comment faire un mini-atelier de menuiserie, comment recycler le plastique en filament d’impression 3D…
Les participants sont des responsables de labs, et les discussions s’en ressentent. Aucune question de débutant n’est posée, pourtant l’événement ne leur était pas fermé.
Fabrication distribuée… et modèle éco
Sur le business modèle, les avis divergent. Pour certains, la seule source de rémunération, « c’est la formation ». D’autres penchent sur une éventuelle « offre de services », mais s’inquiètent de sa compatibilité avec l’esprit fablab. Le débat se fait plus technique en ce qui concerne le droit du travail dans les fablabs, la valorisation de l’entraide entre les membres et visiteurs… Les questions sont plus nombreuses que les réponses.
L’idée d’un rapprochement entre labs et artisans possédant des ateliers équipés fait mouche, notamment pour la production de petites séries. Les compétences complémentaires et les avantages économiques mutuels potentiels séduisent, mais les conséquences sur l’image, à la fois des labs et des artisans, sont jugées incertaines.
Outils et logiciels
A une autre table, les passionnés de l’impression 3D sont plongés dans un débat passionné de techniciens : quel est le meilleur logiciel pour nettoyer un .stl ? « Surtout ne mettez pas d’accent dans vos identifiants pour ce logiciel, ça bugue ensuite ! » « Sketchup reste le meilleur programme pour les débutants. » « Qui a déjà utilisé Freecad ? » Éclats de rire général. « Et Rhino ? » C’est pratique mais payant, sauf pour ces labs qui l’utilisent gratuitement en devenant centre de formation agréé.
Crottbjets
Dans l’autre salle s’anime un échange passionné sur l’utilité des projets dans les labs. Et notamment de tous ces objets imprimés en 3D prenant la poussière sur les étagères des labs… Certains regrettent que les débutants découvrent l’utilisation de cet outil en imprimant des « crapjects » (en français «crottbjets»). Certes, mais « donner comme seule consigne “faites ce que vous voulez” est un défi immense pour quelques débutants. » Les makers en herbe ont aussi le complexe de la feuille blanche…
La sécurité ne se prototype pas
Ce pourrait être la conclusion du temps dédié à la sécurité dans les labs, rapidement transformé en conférence d’Alain Skiba, co-fondateur d’OpenEdge et professionnel de la sécurité. Quelques points à retenir : un nombre non négligeable de labs seraient assurés à la MAIF. Aucun lab n’a pour l’instant à déplorer d’accident grave. Chaque lab doit posséder un DU (document unique) détaillant les risques inhérents à ses installations et activités (1500€ d’amende en cas d’absence lors d’un contrôle). Faire signer une décharge ne sert juridiquement à rien en cas d’accident. On y reviendra.
Art et labs
Artistes et labs ont beaucoup à s’apporter les uns aux autres. La discussion sur le lien entre les mondes de l’art et de la fabrication numérique s’est rapidement crispée autour de la définition de l’art et de ce qu’est un artiste (mais absolument pas autour de l’identité d’un fablab…). Deux artistes ont fait part de leur expérience positive. L’artiste sachant travailler des matériaux est rapidement à l’aise dans un lab, et apporte un regard neuf, différent, nourrissant la réflexion des plus techniciens des bidouilleurs.
Et la documentation ?
Une plate-forme de partage de la documentation ? Commençons par documenter. Comment mieux partager les réalisations des labs ? La question n’est pas neuve. Après avoir passé en revue tous les sites existants et les différents réseaux sociaux utiles à leur communication, s’est imposé un constat : le premier problème reste le manque de temps imparti à la documentation.
Portrait de fablabbeur type du Grand Est
Qui est venu à la réunion de famille ? Le participant type est un homme blanc d’une trentaine d’années avec un niveau d’études supérieures. Sur la trentaine de participants, trois femmes seulement : cette réunion du Grand Est est représentative de la population nationale des labs. De même que l’hétérogénéité des structures présentes :
– Le Cerfav Glass: fablab est dédié au travail du verre, et aux liens entre fabrication numérique et artisanat traditionnel.
– Open Edge. Une société et une association spécialisées dans la conception de machine à commande numérique. Ils possèdent une découpe laser d’un format supérieur à 2 mètres de côté et ont entrepris des recherches sur une imprimante 3D à béton géante.
– Technistub. Compétences en électronique, usinage de métaux, CNC, impression 3D, et… l’animation de communauté.
– La Fabrique (en projet à Strasbourg) est à l’aise en électronique et en menuiserie.
– L’AVlab (Strasbourg) regroupe des talents créatifs en architecture, design, scénographie, gestion de l’espace. Ils travaillent aussi à la création d’un lab et d’une CNC mobile.
– KELLE Fabrik (Dijon) se positionne principalement sur l’informatique et l’électronique.
– iWOOD est une mini menuiserie de 30m². Ses talents concernent donc le bois et l’optimisation de l’espace.
– Le Thilab (Thionville) se démarque par ses compétences en robotique, et plus généralement en informatique.
– Le Lorraine Fabliving Lab (Nancy, lab accueillant l’évènement) peut partager ses compétences en recherche scientifique (notamment une étude sur le recyclage de PLA), et a l’intention de développer un comparateur de machines de fabrication numérique.
– Le NYBICC (Nancy Bidouille Création Construction) est à l’aise avec l’électronique, la programmation, la vulgarisation scientifique et le montage d’imprimante 3D.
– Le Graoulab (Metz) est prêt à apporter son aide en matière de programmation et de biologie.
Retrouvez la prise de note collaborative de la rencontre
Les labs présents à la réunion sur la carte Makery