Micro:bit, born to code
Publié le 27 février 2018 par Elsa Ferreira
1,7 million de Micro:bit ont été distribués gratuitement ou à bas prix dans les écoles, d’abord par la BBC, puis par la fondation Micro:bit depuis 2016. Un microcontrôleur simple d’accès, conçu pour l’éducation à la programmation.
Londres, de notre correspondante
C’est un microcontrôleur programmable, doté d’un écran, de capteurs et d’un tas de périphériques de sorties. Il ressemble à un Arduino, mais son langage de programmation dédié MakeCode est plus simple et il est mieux doté en capteurs et périphériques, affirme Gareth James, responsable de l’éducation à la fondation Micro:bit. « On peut le connecter avec beaucoup de choses déjà présentes dans les classes de science ou de technologie avec de simples pinces crocodiles ou des fiches bananes ».
Depuis 2016, la BBC, service public audiovisuel britannique, a distribué gratuitement un million d’exemplaires aux élèves du Royaume-Uni. Désormais sous la responsabilité de la fondation Micro:bit, ce nano-ordinateur a été lancé à l’international en automne 2017 et la fondation en a vendu 700.000 unités. Parmi les early adopters, des petits pays dont le gouvernement a une forte influence sur le domaine de l’éducation, fait savoir Gareth James, comme l’Islande, le Sri Lanka, Singapour ou la Croatie. D’autres commencent à déployer le programme dans certaines villes pilotes, comme à Vilnius, en Lituanie. « Ça a décollé très vite », confirme Gareth James.
Mais pourquoi la BBC distribue-t-elle des micro-ordinateurs aux écoliers ? « Pour comprendre Micro:bit, il faut revenir dans les années 1980 », dit Gareth James. Flashback donc, à une époque où les ordinateurs étaient encore de gros cubes couleur crème.
1981, le BBC Micro
En 1981, la Beeb avait déjà développé le BBC Micro, un micro-ordinateur de bureau créé dans une optique pédagogique, et le distribuait aux écoles du pays. « Toute une génération a eu l’opportunité de travailler sur des ordinateurs et programmer alors qu’à cette époque, l’ordinateur était le domaine d’un groupe très restreint. » Les élèves pouvaient alors apprendre les règles du code sur le langage BBC Basic.
Et puis, raconte Gareth James, l’approche de l’informatique a changé dans les écoles britanniques : l’enseignement s’est concentré sur l’utilisation des logiciels et des technologies de l’information plutôt que sur l’informatique en tant que science. « Nous sommes devenus des utilisateurs plutôt que des personnes capables de créer et adapter la technologie à nos besoins. Les élèves étaient de moins en moins familiers avec la programmation, ils n’allaient plus dans les programmes d’informatique à l’université. »
L’informatique obligatoire jusqu’à 14 ans
Les associations et groupements d’informatique, comme la British Computing Society, font alors du lobbying auprès du gouvernement pour faire revenir l’informatique dans le parcours scolaire. Mais il faudra attendre 2011 et l’intervention de l’homme d’affaires, alors patron de Google, Eric Schmidt pour que le gouvernement entende leurs doléances. « Il a étrillé le Royaume-Uni pour avoir perdu son avance en informatique », se rappelle Gareth James. Depuis 2014, l’informatique est obligatoire jusqu’à 14 ans.
« Le défi a été de faire entrer un nouveau projet dans un système qui n’y était pas prêt. Les professeurs n’étaient pas formés, il n’y avait pas de matériel adapté et un manque d’enthousiasme de la part des étudiants. » Les associations et sociétés d’informatique mettent en place diverses initiatives pour que la sauce prenne, sans grand succès. La British Computing Society forme les enseignants, tandis que le domaine de la EdTech se développe : projets de robotique, Raspberry Pi… « Le problème, souligne Gareth James, c’est que ces projets ont un prix. »
La BBC entre alors en jeu, avec une campagne de sensibilisation à la programmation baptisée « Make it Digital » pour célébrer le rôle de la Grande-Bretagne dans le façonnage du monde numérique. Le service public lance aussi une enquête pour comprendre ce qui inspire les gens. « Pour enthousiasmer les gens, il faut du physique : créer des applis, c’est super, mais ça manque d’interaction. » L’apprentissage du code oublie un peu trop la créativité ou la résolution de problèmes, des caractéristiques qui permettraient davantage de parité. « Amener les filles aux STEM est un fort enjeu au Royaume-Uni. »
«Bas de plancher et de plafond»
Face au manque de solutions sur le marché, la BBC réunit vingt-cinq entreprises en 2015 (Barclays, Microsoft ou Technology Will Save Us…) et des acteurs locaux spécialisés (universités, communautés tech ou clubs de programmation comme CoderDojo). Le groupement met au point le Micro:bit, une carte programmable « versatile », vante Gareth James, capable de s’adapter aux différents terrains sur lesquels il va se déployer. « L’accès au réseau, au matériel et même la formation des professeurs ne sont pas les mêmes partout », précise-t-il. Surtout, un outil « bas de plancher et haut de plafond », que l’on peut appréhender sans réelles connaissances en informatique mais dont les fonctionnalités peuvent être poussées loin.
« J’utilisais beaucoup Arduino, explique la makeuse et enseignante en programmation et design à l’université Helen Steer, mais de plus en plus j’utilise Micro:bit. » Fondatrice de Do It Kit (et créatrice de robots licornes), elle anime aussi des ateliers pour les 10 à 18 ans. Parce qu’il est facile d’accès, dit-elle : « Avec Arduino, il faut être persévérant pour obtenir quelque chose. C’est un apprentissage long. Avec Micro:bit, on peut obtenir quelque chose de créatif en une heure. » Et son design, en plus de son environnement de programmation MakeCode (Python est également disponible) « a été pensé pour les enfants : il tient dans leur main, ils peuvent le lancer à l’autre bout de la pièce, il est quasi indestructible, je connais même quelqu’un qui l’a passé à la machine ! »
En juin 2017, un an après son lancement, la BBC réalisait un sondage pour évaluer l’impact du Micro:bit sur les élèves : 90% d’entre eux pensent que tout le monde est capable de coder, et 45% sont sûrs de vouloir continuer l’informatique à l’école. Pour 85% des enseignants, l’outil rend l’informatique plus agréable et 80% pensent qu’il aide à se rendre compte que le code n’est pas si compliqué.
Faire des selfies, construire une guitare Micro:bit ou un Micro:bit dans l’espace… Sur son site, la fondation recense les projets. « Tellement de gens peuvent faire des choses incroyables, à n’importe quel âge et sans jamais avoir programmé, s’enthousiasme Gareth James. Il y avait le “moment Hello world”, maintenant on a le “moment Micro:bit”. »
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