Les sacs plastique Pure Water inspirent le recyclage en Afrique
Publié le 25 avril 2017 par Caroline Grellier
Faute d’accès à l’eau potable en Afrique, la distribution de sachets Pure Water s’est organisée depuis les années 2000. Et a engendré un fléau environnemental, contré au Burkina Faso, au Togo et au Ghana par des projets de recyclage.
Lomé, correspondance
« Puuuuure wateeer ». En Afrique de l’Ouest, il n’est pas rare d’entendre dans la rue ce cri strident et sonore sortir de la bouche d’une maman ou d’une fillette, portant sur sa tête une bassine contenant de petites poches d’eau fraîche. L’eau courante n’étant pas dans tous les foyers, l’eau des forages, elle, étant souvent impropre à la consommation, et l’eau minérale en bouteille trop chère (en moyenne 0,65€ la bouteille, soit presque autant qu’un Coca-Cola ou une bière), ces sachets d’une contenance de 500ml, dont il suffit de déchirer le coin avec les dents, sont le principal mode de consommation de l’eau, dans des pays où le salaire minimum avoisine les 45€ mensuels.
Les Pure Water présentent plusieurs avantages qui ont fait leur succès. Ils sont économiques (0,03€ l’unité), disponibles partout et à toute heure (car les points de vente fixes et ambulants sont omniprésents), transportables, et enfin frais, puisque vendus en glacières ou dans des bassines remplies de glaçons. Ce dernier avantage est loin d’être négligeable en Afrique où rares sont les familles disposant d’un réfrigérateur.
Risques sanitaires et pollution
Mais ces sachets, dont la production et la commercialisation sont très peu réglementées, représentent aussi un business frauduleux dangereux pour la santé. Certains sont remplis avec de l’eau du robinet, non traitée ou issue de forages illégaux. S’ajoutent de graves problèmes d’hygiène dûs au conditionnement et au stockage des sacs (locaux insalubres, équipements vétustes). Malgré les risques sanitaires avérés (une épidémie de choléra mortelle déclarée au Ghana en 2013), cette eau pallie les insuffisances des réseaux de distribution d’eau.
Autre problème majeur, l’habitude qui consiste à jeter dans la rue, à même le sol, les sachets vides après consommation. Fabriqués en polyéthylène basse densité, ils ne sont pas biodégradables. Le plastique s’accumule donc au sol, retenant les eaux de pluie avec un double problème : la création de nids à moustiques et à bactéries ; l’impossibilité pour l’eau de rentrer dans le sol rendant le terrain potentiellement inondable. Sans compter les animaux qui les avalent jusqu’à s’étouffer avec.
Les pochettes P^3 au Burkina Faso
A Ouahigouya, au nord du Burkina Faso, Gaëlle Nougarede, présidente de l’association Movement France, s’investit depuis près de quatre ans dans la création d’un centre de recyclage et de transformation de ces sachets plastique. Le projet P^3 (Plastique Projet Pochette) franchit en ce moment une étape cruciale, avec la construction du centre en terre, grâce à un financement participatif.
L’an passé, une grande opération d’installation de poubelles dans les endroits stratégiques de la petite ville a été menée, de manière à trier ces plastiques pour faciliter leur recyclage.
Onze emplois ont ainsi été créés pour les femmes chargées de collecter et de laver les sachets afin de confectionner des objets à partir de Pure Water et de pagnes. En 2016, plus d’une tonne de sacs Pure Water ont ainsi été recyclés.
«Le plastique est le cancer de l’Afrique. Nous réfléchissons aussi à trouver des solutions alternatives aux Pure Water pour traiter le problème à la source.»
Gaëlle Nougarede, présidente Movement France
Au Togo, les objets Zam-Ké («Réutilise-moi»)
« Nous créons des objets faits pour durer : mon sac à main Zam-Ké, je l’ai depuis plus de quatre ans », dit fièrement Aimée Abra Tenu, la dynamique directrice de STEJ Togo. Cette ONG porte plusieurs entreprises sociales dont Zam-Ké, qui signifie « Réutilise-moi » dans la langue locale. Implanté dans le quartier d’Agoe-Demakpoe, en périphérie de Lomé, l’atelier a su fédérer. Une dizaine de familles ont été sensibilisées à la collecte de sachets, des femmes embauchées pour les laver et toute une équipe de couturiers formée à coudre ces plastiques pour réaliser trousses, poubelles, sacs à main, portefeuilles, parapluies, sacs à dos, cabas, trousses de toilette, etc.
En cas de commande importante, comme des kits de rentrée scolaire pour les associations locales, Zam-Ké fait aussi appel à des prisonniers formés à la couture pour l’étape d’assemblage des sachets, avant que les patrons ne soient découpés.
Pour élargir les activités de recyclage, l’entreprise s’attaque aussi à transformer les bâches publicitaires. Les idées ne manquent pas et la collection de produits s’agrandit.
Au Ghana, l’art des Pure Water
Benjamin Adjetey Okantey, qui achève ses études d’art à l’université Kwame Nkrumah, a fait des Pure Water sa matière première. Sensible aux qualités plastiques du sachet, à sa transparence, à ses coloris et son format, il fabrique de monumentales installations en cousant ces sachets bord à bord pour obtenir d’immenses surfaces.
Benjamin Adjetey Okantey propose de véritables expériences pour les visiteurs, qui se retrouvent presque prisonniers de ces immenses bulles de plastique. Le changement d’échelle surprenant permet à l’artiste de dénoncer l’échec du secteur public à distribuer de l’eau potable dans tout le pays.