Le Garagem, un fablab brésilien en mode start-up
Publié le 10 février 2015 par Fabien Eychenne
Fer de lance du mouvement des fablabs brésiliens, le Garagem est né à São Paulo en 2013 comme une entreprise, et développe depuis un modèle original de plate-forme pour projets innovants. A la mi-février, le Garagem met en place sa première «Biohack Academy», en partenariat avec le fablab néerlandais de la Waag Society.
São Paulo, de notre correspondant
Premier fablab ouvert à São Paulo en juin 2013, le Garagem Fab Lab est aujourd’hui la figure de proue du mouvement des labs brésiliens qui joue le rôle de grand frère pour les nouveaux lieux. Si le succès est aujourd’hui au rendez-vous, Eduardo Lopes, son directeur, nous a raconté qu’entre l’envie de monter un lieu ouvert, en avoir les clés, construire une communauté et générer assez de revenus pour payer un minimum les différents intervenants, il s’était écoulé plus de 3 ans.
Cet architecte se rappelle comment il a découvert le concept de fablab. «Je suis architecte avec une passion pour les formes complexes rendues possibles par des logiciels de modélisation 3D comme Rhino. Le problème, c’est que ce que j’aime faire en architecture est difficilement applicable à la réalité des constructions actuelles. Il y a 3, 4 ans, on a commencé à parler au Brésil des machines à commande numérique et de l’impression 3D ; outils qui pouvaient répondre à mes questions. Ce nouveau matériel n’était encore que très peu utilisé dans les studios d’architecture mais l’Université de São Paulo s’en est doté pour son département d’architecture. Un an après, ils ont ouvert un fablab “interne” et organisé un workshop. J’y ai vu le pont que je pouvais faire entre mes deux passions.» Le fablab de l’université de São Paulo, né un peu avant le Garagem, n’est cependant pas ouvert au public.
De la création d’imprimante 3D au fablab
Lors de ce workshop, Eduardo rencontre d’autres personnes comme lui très motivées par le concept de fablab et ayant l’envie d’en monter à São Paulo. Nous en avions parlé lors d’un précédent article, les droits de douanes multiplient par deux le prix des machines à commande numérique étrangères, ce qui rend l’équipement d’un lab coûteux. Difficile dans ce cas de monter un fablab tout équipé. Le Garagem s’est dans un premier temps tourné vers l’impression 3D et la création d’imprimantes 3D open source pour le marché brésilien sous la forme d’une start-up.
Le choix de ce statut d’entreprise répondait à plusieurs problématiques locales : un accès aux subventions publiques très compliqué pour les petites structures et la gestion comptable des associations peu flexible. Tous les fablabs «indépendants» du Brésil de la liste Fablabs.io sont portés par des entreprises, ce qui peut paraître étonnant pour des Européens. Au-delà des raisons avancées ci-dessus, il semble que l’esprit d’entreprendre est beaucoup plus présent au Brésil, par certains cotés plus proche de la mentalité nord-américaine qu’européenne. D’ailleurs, Eduardo et ses partenaires ont investi toutes leurs économies personnelles dans ce projet et recherché des financements privés.
Aujourd’hui, si l’activité de développement d’une imprimante 3D locale n’est plus d’actualité, elle a permis au Garagem de s’équiper des machines à commande numérique classique d’un fablab et d’ouvrir ses portes au public.
Le fablab comme plate-forme
Pour Eduardo, « le fablab est un écosystème, avec des gens qui viennent d’on on ne sait où. Dans une ville de 20 millions d’habitants, il y a plein de gens intéressants. Ils cherchent des endroits pour échanger. Nous sommes devenus le lieu où ces personnes viennent toquer à la porte ». D’après Eduardo, presque la moitié des participants sont des design-er-euse-s, on retrouve quelques architectes, ingénieurs et des personnes venants de formations techniques comme les SENAI. Un ensemble très éduqué et formé si on le compare à la population brésilienne, où 14% des 25-34 ans seulement ont un diplôme post-bac (contre 45% en France). Les premiers projets collectifs ont été assez techniques, tournés vers la création de machines, mais c’est le projet de vélo open source Bike de Quinta qui a amené de nombreux médias et ainsi multiplié le nombre de visiteurs. Visiteurs qui se sont au fur et à mesure transformés en utilisateurs.
Pour Eduardo, c’est là qu’est la valeur du projet. « On pensait pouvoir faire payer ces gens pour faire tourner le lieu, mais ce n’est pas le cas. On s’est rendus compte qu’ils étaient la valeur de notre lab. Aujourd’hui, on travaille avec eux pour répondre à des offres d’entreprises et de collectivités. » Eduardo porte une vision intéressante du fablab comme plate-forme. Le lab aide ses utilisateurs, des entrepreneurs, à développer les projets incubés au Garagem, en les soutenant pour trouver des financements, de la visibilité, etc. L’objectif est de créer des spin-off au sein du Garagem qui financeraient l’ouverture du lieu pour tous et gratuitement en échange de l’utilisation de ce lieu et de l’appui de sa communauté. Plusieurs projets et entreprises portées par des membres sont aujourd’hui actifs : un membre utilise le lieu pour des formations nocturnes à Rihno, des ateliers sont organisés le week-end autour de la construction de Primo, ces cubes pour apprendre aux enfants à coder, une start-up créée des mini-soi en 3D… En contrepartie, une partie des bénéfices réalisés est réinjectée dans le fablab.
Mais c’est aujourd’hui un projet d’école, assemblant les nombreuses formations créatives portées par la communauté qui est au centre de la réflexion du Garagem. La première pierre va en être posée : la création d’une Biohack Academy en partenariat avec le fablab d’Amsterdam de la Waag Society, qui débute mi-février.