Eclosion de labs au forum InnovAfrica de Lomé
Publié le 2 décembre 2014 par Caroline Grellier
Du 24 au 28 novembre au Togo, le forum InnovAfrica a réuni 150 Africains issus de 15 pays francophones. La tendance 2014 est à une forte présence féminine et aux projets de labs à gogo. L’innovation africaine vue par 7 de ses acteurs.
Lomé (Togo), envoyée spéciale (texte et photos)
Déjà six ans que la dernière semaine de novembre est marquée d’une croix blanche dans les agendas des innovateurs et makers africains. Chaque année, le forum InnovAfrica initié par Imagination for people, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et Orange Labs, se déplace dans une capitale africaine afin que les porteurs de projets venus de toute l’Afrique francophone se rencontrent, échangent sur leurs expériences et repèrent de nouveaux projets. Ce rendez-vous dédié à l’innovation sociale et technologique africaine favorise l’émulation des idées et des projets pour les communautés tech africaines. L’édition 2014 s’est déroulée du 24 au 28 novembre à Lomé au Togo et a réuni 150 participants de 15 nationalités différentes, avec une large représentation féminine, suffisamment rare pour être soulignée. Rencontre avec 7 Africains acteurs de l’innovation sociale et porteurs de projets collaboratifs, de labs existants ou en devenir… à suivre de près.
«Fablab… je voyais le mot passer sur Twitter sans savoir ce que c’était, ça m’intéressait pas ce truc de geek. C’est ici à Innovafrica que j’ai vraiment réalisé que ces lieux étaient de réelles opportunités pour aider la jeunesse à se prendre en charge.» Christelle N’Cho Assirou, ONG Femmes & TIC
En discutant avec d’autres filles porteuses de projets de fablab, Christelle N’Cho Assirou, présidente de l’ONG ivoirienne Femmes & TIC créée en 2006, a décidé de monter le premier fablab d’Abidjan, spécialisé dans les formations des filles à la technologie et au bricolage car « le fablab est un cadre idéal pour briser les>stéréotypes ! » Le GoLab (« Go » signifie « fille » dans le jargon ivoirien) verra le jour début 2015 avec une communauté déjà constituée d’une soixantaine de femmes de tous âges.
« OpenStreetMap a changé ma vie » explique Fatiman Alher, étudiante nigérienne en géographie de 26 ans, qui a découvert la cartographie collaborative en allumant un ordinateur à l’université. Fortement impliquée dans les #mapping4ebola, elle ne connaissait rien aux fablabs avant de travailler avec les mappeurs OSM du Ouagalab il y a quelques semaines. La communauté de 19 étudiants souhaite désormais créer des applications à base de cartographie, axe principal de leur projet de fablab. Premier projet en vue : le mapping des réseaux de transports de Niamey.
Diarra Sally a mille idées à la minute. Cette jeune ingénieure télécoms mauritanienne de 33 ans installée à Dakar a poussé la porte il y a quelques mois de Defko Ak Niep (fablab, Dakar), et a eu l’idée de reproduire le modèle chez elle, en Mauritanie, avec le Sahel Fablab, créé en octobre 2014. « On compte bien démarrer sans machine dans un premier temps, avec un projet de four solaire. Carton, alu et des Mauritaniens motivés, c’est tout ce dont on a besoin. » La philosophie du Ouagalab a fait son chemin…
Hermann Aguessy est informaticien réseau et membre de l’association l’Université du libre (UDL) de Cotonou, au Bénin. La mission de l’UDL est de promouvoir le logiciel libre et d’échanger sur les technologies open source. Fort de son expérience de Volontaire international de la francophonie au fablab Defko Ak Niep de Dakar en 2013, Hermann est le fabmanager du BloLab (« Blo » signifie « fais-le » en langue fon), orienté sur l’auto-formation par le libre. Une belle équipe de geeks persuadés que la philosophie du logiciel libre est l’un des outils majeurs de l’innovation africaine, qu’Hermann définit ainsi : « C’est la faculté de pouvoir adapter des solutions extraordinaires à nos problèmes locaux en partant du système D africain tout en impliquant les citoyens. »
Alice Souka est la première Mys’TIC togolaise (projet lancé le 22 novembre au Togo), membre de la communauté Minodoo, tiers-lieu nomade togolais. « L’objectif de Mys’TIC, au-delà des projets de formation des filles à l’outil informatique, à la programmation et aux logiciels libres, est de créer des opportunités d’emploi. » Le Togo semble suivre la voie des Mys’TIC ivoiriennes et burkinabés, investies dans le secteur agricole à travers des projets tel que l’apprentissage de la calculatrice du téléphone portable pour les vendeuses du marché. Alice est déjà entourée d’une équipe d’une dizaine de filles, geekettes et non geekettes, même si la gente masculine est aussi la bienvenue !
Tidiane Ball est médecin, mais pas que. A 28 ans, ce Malien féru de technologie s’est formé à la programmation pour devenir entrepreneur dans l’informatique médicale. Créateur de MaliSanté en 2009, un site web devenu une start’up basée sur une application qui répertorie toutes les structures sanitaires du Mali, Tidiane monte actuellement le Donilab (« Doni : le savoir en langue bambara »), dernier projet en date avec l’application Ebolainfo, donnant acès aux informations autour d’Ebola en langues vernaculaires maliennes grâce à un serveur vocal. La majorité de la communauté maker malienne a une vingtaine d’années et est au chômage. Pour Tidiane Ball, « ce sont des intelligences qui dorment à réveiller avec un tiers-lieu comme un fablab, pour amener la confiance et l’expérience et donner la chance à ces jeunes de créer leurs propres emplois.»
« Le Palabre, c’est l’arbre au village sous lequel on se réunit pour prendre les décisions importantes de la vie ou bien pour se détendre, discuter, jouer », rappelle Aminata Diagne, Sénégalaise. Désormais, Le Palabre, c’est aussi le fablab de Rufisque, dans la banlieue de Dakar, projet avec lequel Aminata, véritable pile électrique et chef de projet de 27 ans, compte bien réunir artisans et jeunes en difficultés, pour recréer du lien autour d’activités créatives. A commencer par la réalisation de mobilier en plastique recyclé qui meublera le local. « Notre objectif est de permettre de faire sans moyen des formations en couture, en soudure, en électronique, en français mais aussi en langues locales, pour permettre une montée en compétence des habitants du quartier. »