Protei, une armada de voiliers autonomes pour nettoyer les océans
Publié le 18 novembre 2014 par Jullian Champenois
Après quatre années de recherche et trente générations de prototypes, le projet Protei vient de remporter le grand prix Start Me Up HK. Les bateaux autonomes nettoyant les océans sont en passe de devenir réalité.
Le projet Protei a remporté le 11 novembre dernier le StartMeUp HK, un prix hong-kongais pour jeunes entrepreneurs internationaux qui offre visibilité, reconnaissance et opportunités à l’élu (parmi 550 concurrents cette année). Une bonne nouvelle pour ce projet écologique imaginé par César Harada et une commaunauté open source et hardware réunie sous le nom de Scoutbots.
Avril 2010, la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon explose et déverse plusieurs milliers de barils de pétrole chaque jour dans le golfe du Mexique. César Harada, jeune trentenaire mi-français, mi-japonais dirige alors un projet de recherche au MIT ayant pour objectif de décontaminer les océans. Il prend conscience des limites de la recherche traditionnelle : le prix élevé, la lenteur du développement et la propriété intellectuelle, qui ne garantit pas un accès aisé à la technologie. Il décide alors de quitter son « job de rêve » pour lancer Protei, une armada de voiliers autonomes pour nettoyer les océans en cas de marée noire. Et le fait en mode open hardware et open source.
« J’ai choisi l’open source parce qu’il n’y a pas de bonne raison justifiant un monopole industriel. Je suis un activiste environnemental, et je ne vois pas pourquoi une bonne technologie resterait secrète. » César Harada (par Skype)
Les petits voiliers autonomes pilotés par un Arduino disposent d’une coque articulée, capable notamment de minimiser l’impact des vagues et d’optimiser les virages. L’idée initiale est de sillonner les océans à l’aide de ces drones marins pilotés à distance, perpendiculairement à la dérive des nappes de pétrole, en y faisant des lacets. La longue queue à l’arrière des bateaux ramasse alors le pétrole qui s’y engouffre.
César Harada présente son projet sur TED en 2012 :
Protei rassemble une foule de contributeurs aux profils, aux compétences et aux participations variés : étudiants, chercheurs, mères au foyer travaillent de manière ponctuelle ou permanente. Des ingénieurs salariés, dont le nombre fluctue, sont également investis dans l’aventure. L’essentiel du travail pratique se fait à présent via l’atelier qu’Harada a récemment construit à Hong-Kong. Une autre partie se fait en ligne : modélisations, calculs scientifiques, dessin 3D, programmation Arduino, avec des collaborateurs du monde entier.
Après une campagne Kickstarter fructueuse en 2011, puis une bourse en 2012 (100.000€ de la fondation Savannah Ocean Exchange), c’est au tour d’Ahti Heinla, un des développeurs de Skype, d’investir dans le projet à hauteur de 100.000 $. Malgré les divers investissements reçus, le projet n’est pas encore arrivé à maturité, et si le modèle Protei 011 “Optimist” est disponible à la vente au détail, dans le cadre d’une petite production artisanale, il n’est pas encore suffisamment abouti pour une production de masse. Les défis physiques et technologiques demandent une énergie considérable, même si ces bateaux ont déjà été testés sur tous les océans, sauf l’Arctique, jusqu’à des conditions de vent atteignant 5 beaufort.
A travers de nombreux aléas financiers et logistiques et la défection de certains membres de l’équipe, le projet Protei tient le cap et voit déjà plus loin. En effet, d’autres applications sont déjà en cours d’élaboration : mesurer et cartographier les taux de radioactivité dans les océans, détecter les quantités de plastique dans l’eau.
L’investissement de César Harada pour la protection de l’environnement l’a mené partout autour du monde, à travers des projets divers touchant principalement à la radioactivité, à la pollution plastique et au pétrole. En 2012, il avait parcouru à vélo 700km de côtes japonaises pour mesurer et cartographier les taux de radioactivité suite à la catastrophe de Fukushima. « J’espère bien voir les bateaux Protei collecter des données dans les océans d’ici deux à trois ans », et effectuer des opérations de nettoyage deux ans plus tard.