En Afrique de l’Ouest, les défenseurs du libre se mobilisent contre Ebola
Publié le 21 octobre 2014 par Carine Claude
Données cartographiques libres, wikis, forums… Un peu partout en Afrique de l’Ouest, les communautés de l’open data se mobilisent pour contrecarrer la propagation du virus Ebola.
Tout a commencé en Guinée. La flambée d’Ebola, pointée par l’OMS dès mars 2014, s’est propagée de façon exponentielle à toute l’Afrique de l’Ouest depuis. Face à cette épidémie sans précédent, les communautés de l’open data, en particulier celles d’OpenStreetMap (OSM), se sont mobilisées à peine l’alerte lancée. Il s’agit avant tout de soutenir l’action humanitaire et l’information des populations grâce à l’amélioration de la cartographie locale, pas toujours très au point. L’enjeu est de taille : le virus, qui a déjà tué plus 4.500 personnes, enregistre 10.000 nouveaux cas par semaine.
OpenStreetMap pour traquer Ebola
Dernière illustration en date de cette mobilisation : la Nuit du mapping, organisée le week-end des 18 et 19 octobre un peu partout en Afrique de l’Ouest. Les communautés OSM d’Abidjan, de Niamey, de Lomé, de Ouagadougou ou encore de Dakar ont piloté des mapathons, ces cartoparties destinées à produire de la donnée géographique open source rassemblée sur OpenStreetMap.
We are proud of the work being done in Togo to help with Ebola. #map4ebola pic.twitter.com/OgSWhmyiQr
— Togo (@TogoWestAfrica) 17 Octobre 2014
Des campus universitaires aux tiers lieux en passant par les fablabs, tout l’écosystème du libre se fédère à travers ce dispositif de crise déjà mis en place par les mappers africains lors des conflits qui ont agité la Centrafrique. Ces cartographes-contributeurs exécutent un travail de fourmi en numérisant bâtis, routes et usages du sol via des images satellites en haute résolution couvrant les territoires les plus affectés. Autant de remontées d’information de terrain qui permettent une meilleure évaluation de la situation en temps réel. Visualisation de l’avancée des données cartographiques de la carte sur Ebola (cliquez sur l’image pour accéder à l’animation):
First #projetEOF #map4ebola #data visualisation . Welldone @nicolas_chavent @sev_hotosm @pierzen @ndongamadou @OSM_BF http://t.co/P3L4bqsxuf — OSM Senegal (@OpenStreetMapSn) October 11, 2014
L’Organisation mondiale de la santé s’intéresse de près à ces informations, la vérification des données et la fiabilité des sources sont en effet un enjeu majeur pour comprendre l’évolution de l’épidémie. « Au Libéria, les données étaient signalées par quatre sources différentes et non coordonnées, ce qui donnait lieu à de nombreux chevauchements et doublons », indiquait l’OMS le 22 septembre.
Bonne Nuit du #map4ebola a tous. La carte Freetown progresse rapidement @ProjetEOF @OSMCI @OSMTogo @OpenStreetMapSn pic.twitter.com/BIqPsmkWeZ
— Pierre Béland (@pierzen) October 18, 2014
Les communautés du libre représentent également un appui de terrain précieux pour les organisations humanitaires. Dès mars 2014 et le début de l’épidémie, Médecins Sans Frontières a demandé l’aide de l’Humanitarian OSM Team, constituée au moment du tremblement de terre d’Haïti en 2010. En Guinée, CartONG collabore avec MSF Suisse pour plancher sur la création d’un centre de cartographie. Pour leur équipe épidémiologique, un technicien GIS (Geographic Information Systems) a produit 109 cartes de cette région précédemment peu cartographiée répertoriant routes, points d’intérêts, villages mais également densité de populations ou zone de diffusion d’Ebola.
Autre type d’initiative : le forum collaboratif Ebola X Lab, plate forme de veille qui recense la documentation et les initiatives imaginées pour faire face à l’avancée du virus. « Tout est parti d’une conversation sur Facebook à laquelle s’est joint Nicolas Loubet de la Paillasse », explique Sofiane Meguellati, qui travaille dans la communication digitale et a fondé ce forum qui compte à ce jour une trentaine de membres. « On s’est dit qu’un site permettrait de donner une meilleure architecture aux informations qui circulaient sur le sujet Ebola et qu’on pourrait ainsi échanger entre nous, mais aussi avec des doctorants et des membres de l’écosystème collaboratif. »
On y parle mapping bien sûr, mais aussi recherche médicale, impact social, vaccination, le tout alimenté par une foule de liens pointant vers des articles de presse, open meetings et outils open source pour s’informer en temps réel des stades du développement de l’épidémie. Et pourquoi pas imaginer comment le prototypage numérique pourrait servir à créer des kits de protections contre le virus…
Le wiki openstreetmap 2014 West Ebola Africa Response
Le forum Ebola X Lab
Mise à jour du 4 novembre 2014
Les initiatives des makers se multiplient pour limiter la contagion avec les moyens du bord. L’idée d’un « excubateur » fait son chemin et circule sur les réseaux. A l’inverse d’un incubateur, cette boîte de taille humaine permet d’isoler le personnel soignant des patients contaminés. Fabriqué en carton – facile à brûler après usage –, l’excubateur est doté d’une fenêtre en plastique et de gants fixés à l’extérieur qui permettent de dispenser les soins. Des poignées et des roulettes sont même prévues pour faciliter son déplacement de lit en lit. A moins d’en fixer un auprès de chaque malade.
#Ebola #excubator http://t.co/kIC76sXnzW now has better drawings. It’s modular, so pick a piece and work on it! pic.twitter.com/nJLDDU6tNH
— Lucas Gonzalez (@lucasgonzalez) October 30, 2014
L’un des concepteurs le reconnaît : pas aisé d’atteindre le patient dans ces conditions, mais l’extrudeur à le mérite de limiter la contamination. Sachant que si 70 % des personnes infectées avaient accès à des dispositifs réduisant le risque de transmission, l’épidémie commencerait à diminuer.